Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/123

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Cette considération est bien propre, ce me semble, à rassurer sur les résultats futurs et éventuels de la science, comme aussi à justifier toute hardiesse et à condamner toute restriction timide. Quelque destructive que paraisse une critique, il faut la laisser faire, pourvu qu’elle soit réellement scientifique ; le salut n’est jamais en arrière. Il est trop clair d’abord que la seule conscience d’avoir reculé devant la saine méthode, et le sentiment permanent d’une objection non récité jetteraient sur toute la vie ultérieure un scepticisme plus désolant que la négation même. Il faut ou ne discuter jamais ou discuter jusqu’au bout. D’ailleurs, il est certain que le vrai système moral des choses est infiniment supérieur aux misérables hypothèses que renverse la sévère raison, qu’un jour la science retrouvera une réalité mille fois plus belle, et qu’ainsi la critique aura été un premier pas vers des croyances plus consolantes que celles qu’elle semble détruire. Oui, je verrais toutes les vérités qui constituent ce qu’on appelle la religion naturelle, Dieu personnel, providence, prière, anthropomorphisme, immortalité personnelle, etc., je verrais toutes ces vérités, sans lesquelles il n’y a pas de vie heureuse, s’abîmer sous le légitime effort de l’examen critique, que je battrais des mains sur leur ruine, bien assuré que le système réel des choses que je puis encore ignorer, mais vers lequel cette négation est un acheminement, dépasse de l’infini les pauvres imaginations sans lesquelles nous ne concevions pas la beauté de l’univers. Les dieux ne s’en vont que pour faire place à d’autres. Elle est, elle est, cette beauté infinie que nous apercevons dans ses vagues contours, et que nous essayons de rendre par de mesquines images. Elle est plus belle, plus consolante mille fois que celle que j’ai pu rêver. Quand la vieille conception anthro-