Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/154

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carte de la science, nous nous obstinons à donner une place à part à la philologie, à la philosophie ; et pourtant ce sont là moins des sciences spéciales que des façons diverses de traiter les choses de l’esprit.

À une époque où l’on demande avant tout au savant de quoi il s’occupe, et à quel résultat il arrive, la philologie a dû trouver peu de faveur. On comprend le physicien, le chimiste, l’astronome, beaucoup moins le philosophe, encore moins le philologue. La plupart, interprétant mal l’étymologie de son nom, s’imaginent qu’il ne travaille que sur les mots (quoi, dit-on, de plus frivole ?) et ne songent guère à distinguer comme Zénon le philologue du logophile (53). Ce vague qui plane sur l’objet de ses études, cette nature sporadique, comme disent les Allemands, cette latitude presque indéfinie qui renferme sous le même nom des recherches si diverses, font croire volontiers qu’il n’est qu’un amateur, qui se promène dans la variété de ses travaux, et fait des explorations dans le passé, à peu près comme certaines espèces d’animaux fouisseurs creusent des mines souterraines, pour le plaisir d’en faire. Sa place dans l’organisation philosophique n’est pas encore suffisamment déterminée, les monographies s’accumulent sans qu’on en voie le but.

La philologie, en effet, semble au premier coup d’œil ne présenter qu’un ensemble d’études sans aucune unité scientifique. Tout ce qui sert à la restauration ou à l’illustration du passé a droit d’y trouver place. Entendue dans son sens étymologique, elle ne comprendrait que la grammaire, l’exégèse et la critique des textes ; les travaux d’érudition, d’archéologie, de critique esthétique en seraient distraits. Une telle exclusion serait pourtant peu naturelle. Car ces travaux ont entre eux les rapports les