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fiante devienne capitale dans une série de recherches que nous ne pouvons prévoir.

Le dessin général des formes de l’humanité ressemble à ces colossales figurés destinées à être vues de loin, et où chaque ligne n’est point accusée avec la netteté que présente une statue ou d’un tableau. Les formes y sont largement plâtrées, il y a du trop, et si l’on voulait réduire le dessin au strict nécessaire, il y aurait beaucoup à retrancher. En histoire, le trait est grossier ; chaque linéament, au lieu d’être représenté par un individu ou par un petit nombre d’hommes, l’est par de grandes masses, par une nation, par une philosophie, par une forme religieuse. Sur les monuments de Persépolis, on voit les différentes nations tributaires du roi de Perse représentées par un individu portant le costume et tenant entre ses mains les productions de son pays, pour en faire hommage au suzerain. Voilà l’humanité : chaque nation, chaque forme intellectuelle, religieuse, morale, laisse après elle un court résumé, qui en est comme l’extrait et la quintessence et qui se réduit souvent à un seul mot. Ce type abrégé et expressif demeure pour représenter les millions d’hommes à jamais obscurs qui ont vécu et sont morts pour se grouper sous ce signe. Grèce, Perse, Inde, judaïsme, islamisme, stoïcisme, mysticisme, toutes ces formes étaient nécessaires pour que la grande figure fût complète ; or, pour qu’elles fussent dignement représentées, il ne suffisait pas de quelques individus, il fallait d’énormes masses. La peinture par masses est le grand procédé de la Providence. Il y a une merveilleuse grandeur et une profonde philosophie dans la manière dont les anciens Hébreux concevaient le gouvernement de Dieu, traitant les nations comme des individus établissant entre tous les membres d’une