Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/25

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heur et la noblesse de l’homme reposent sur un porte-à-faux. Continuons de jouir du don suprême qui nous a été départi, celui d’être et de contempler la réalité. La science restera toujours la satisfaction du plus haut désir de notre nature, la curiosité ; elle fournira toujours à l’homme le seul moyen qu’il ait pour améliorer son sort. Elle préserve de l’erreur plutôt qu’elle ne donne la vérité ; mais c’est déjà quelque chose d’être sûr de n’être pas dupe. L’homme formé selon ces disciplines vaut mieux en définitive que l’homme instinctif des âges de foi. Il est exempt d’erreurs où l’être inculte est fatalement entraîné. Il est plus éclairé, il commet moins de crimes, il est moins sublime et moins absurde. Cela, dira-t-on, ne vaut pas le paradis que la science nous enlève. Qui sait d’abord si elle nous l’enlève ? Et puis, après tout, on n’appauvrit personne en tirant de son portefeuille les mauvaises valeurs et les faux billets. Mieux vaut un peu de bonne science que beaucoup de mauvaise science. On se trompe moins en avouant qu’on ignore qu’en s’imaginant savoir beaucoup de choses qu’on ne sait pas.

J’eus donc raison, au début de ma carrière intellectuelle, de croire fermement à la science et de la prendre comme but de ma vie. Si j’étais à recom-