Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/268

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investigateur que Brucker ; et pourtant les livres qu’il a consacrés à la philosophie des Indiens, des Chinois, ou même des Arabes, doivent être mis sur le même rang que les chapitres relatifs à l’histoire ancienne dans le Speculum historiale de Vincent de Beauvais. Que dire donc de ceux qui sont venus après lui et n’ont fait que le copier ou l’extraire arbitrairement, sans aucun sentiment de l’essentiel et de l’accessoire ? Quand on est certain que les matériaux que l’on possède sont les seuls qui existent, tout incomplets qu’ils sont, on peut se permettre ces marqueteries ingénieuses où sont groupées toutes les paillettes dont on dispose, à condition toutefois que l’on fasse des réserves et que l’on se reconnaisse incapable de déterminer les relations mutuelles des parties, les proportions de l’ensemble. Mais quand les sources originales existent et ne demandent qu’à être explorées, il y a quelque chose de grotesque dans cet ajustage de lambeaux épars, inexacts, sans suite, que l’on systématise à sa guise et sans aucun sens de la manière dont le font les indigènes. De là le défaut nécessaire de toutes les histoires de la littérature et de la philosophie faites en dehors des sources originales, comme cela a été longtemps le cas pour le moyen âge, comme cela l’est encore pour l’Orient. Ceux qui refont ces histoires les uns après les autres ne font que copier les mêmes erreurs et les aggraver en y joignant leurs propres conjectures. Lisez, dans Tennemann, Tiedemann, Ritter, les chapitres relatifs à la philosophie arabe, vous n’y trouverez rien de plus que dans Brucker, c’est-à-dire rien que des à-peu-près. Il faut définitivement bannir de la science ces travaux de troisième et de quatrième main, où l’on ne fait que copier les mêmes données, sans les compléter ni les contrôler. Quiconque dans l’état