Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/65

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pensent que le sentiment et l’imagination, les instincts spontanés de la nature humaine peuvent par une sorte d’intuition atteindre les vérités essentielles seront également conséquents en envisageant les recherches du savant comme de frivoles hors-d’œuvre, qui n’ont même pas le mérite d’amuser. Enfin ceux qui pensent que l’esprit humain ne peut atteindre les hautes vérités, et qu’une autorité supérieure s’est chargée de les lui révéler, détruisent également la science, en lui enlevant ce qui fait sa vie et sa valeur véritable.

Que reste-t-il, en effet, si vous enlevez à la science son but philosophique ? De menus détails, capables sans doute de piquer la curiosité des esprits actifs et de servir de passe-temps à ceux qui n’ont rien de mieux faire, fort indifférents pour celui qui voit dans la vie une chose sérieuse, et se préoccupe avant tout des besoins religieux et moraux de l’homme. La science ne vaut qu’autant qu’elle peut rechercher ce que la révélation prétend enseigner. Si vous lui enlevez ce qui fait son prix, vous ne lui laissez qu’un résidu insipide, bon tout au plus à jeter à ceux qui ont besoin d’un os à ronger. Je félicite sincèrement les bonnes âmes qui s’en contentent ; pour moi, je n’en veux pas. Dès qu’une doctrine me barre l’horizon, je la déclare fausse ; je veux l’infini seul pour perspective. Si vous me présentez un système tout fait, que me reste-t-il à faire ? Vérifier par la recherche rationnelle ce que la révélation m’enseigne ? Jeu bien inutile, passe-temps bien oisif car si je sais d’avance que ce qui m’est enseigné est la vérité absolue, pourquoi me fatiguer à en chercher la démonstration ? C’est vouloir regarder les astres à l’œil nu quand on peut faire usage d’un télescope. C’est en appeler aux hommes quand on