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CHAPITRE XXVI.


LE MARTYRE INTÉRIEUR DE MARC-AURÈLE.
SA PRÉPARATION à LA MORT.


Pendant que ces étranges révolutions morales s’accomplissaient, l’excellent Marc-Aurèle, jetant sur chaque chose un regard aimant et calme, portait partout son visage pâle, sa douce figure résignée et sa maladie de cœur. Il ne parlait plus qu’à voix basse, et il marchait à petits pas[1]. Ses forces diminuaient sensiblement ; sa vue baissait. Un jour qu’il dut déposer par fatigue le livre qu’il tenait à la main : « Il ne t’est plus permis de lire, écrivit-il ; mais il t’est toujours permis de repousser de ton cœur la violence ; il t’est toujours permis de mépriser le plaisir et la peine ; il t’est toujours permis d’être supérieur à la vaine gloire ; il t’est toujours permis de ne pas t’emporter contre les sots et les ingrats ; bien plus, il t’est permis de continuer à leur faire du bien[2]. »

  1. Hérodien, V, ii, 3-4.
  2. Pensées, VIII, 8.