Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/307

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simple, presque commun ; puis on s’étonnait de découvrir sous cette humble apparence la chose du monde la moins commune, l’absolue cordialité, une maternelle condescendance, une charmante bonhomie. Je n’ai jamais vu une telle absence d’amour-propre. Il riait le premier de lui-même, de ses bévues à demi intentionnelles, des plaisantes situations où le mettait sa naïveté. Comme tous les directeurs, il faisait l’oraison à son tour. Il n’y pensait pas cinq minutes d’avance ; il s’embrouillait parfois dans son improvisation d’une manière si comique, qu’on s’étouffait pour ne pas rire. Il s’en apercevait, et trouvait cela tout naturel. C’était lui qui lisait, au cours d’écriture sainte, le manuscrit de M. Garnier. Il pataugeait exprès, pour nous égayer, dans les parties devenues surannées. Ce qu’il y avait de singulier, en effet, c’est qu’il n’était pas très mystique. « Quel peut être, pensez-vous, le mobile de vie de M. Carbon ? demandai-je un jour à un de mes condisciples. — Le sentiment le plus abstrait du devoir. » me répondit-il. M. Car-