Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/335

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dessus ma vie, et par conséquent mon salut éternel, sans hésiter un moment. Dans une telle question, il n’y a pas de ces arrière-plans qui rendent si douteuses toutes les opinions morales et politiques. Je n’aime ni Philippe II ni Pie V ; mais, si je n’avais pas des raisons matérielles de ne pas croire au catholicisme, ce ne seraient ni les atrocités de Philippe II ni les bûchers de Pie V qui m’arrêteraient beaucoup.

De très bons esprits m’ont quelquefois fait entendre que je ne me serais pas détaché du catholicisme sans l’idée trop étroite que je m’en fis, ou, si l’on veut, que mes maîtres m’en donnèrent. Certaines personnes rendent un peu Saint-Sulpice responsable de mon incrédulité et lui reprochent, d’une part, de m’avoir inspiré pleine confiance dans une scolastique impliquant un rationalisme exagéré ; de l’autre, de m’avoir présenté comme nécessaire à admettre le summum de l’orthodoxie ; si bien qu’en même temps ils grossissaient outre mesure le bol alimentaire et rétrécissaient singulièrement l’orifice de