Page:Renan - Souvenirs d’enfance et de jeunesse.djvu/377

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brassée quand on est jeune, donne à la vie une assiette particulière de solidité. ― Que tout cela, direz-vous, est peu humain, peu naturel ! Sans doute, mais on n’est fort qu’en contrariant la nature. L’arbre naturel n’a pas de beaux fruits. L’arbre produit de beaux fruits dès qu’il est en espalier, c’est-à-dire dès qu’il n’est plus un arbre.

III

L’amitié de M. Berthelot et l’approbation de ma sœur furent les deux grandes consolations qui me soutinrent dans ce difficile moment où le sentiment d’un devoir abstrait envers la vérité m’imposa de changer, à vingt-trois ans, la direction d’une vie déjà si fortement engagée. Ce ne fut, en réalité, qu’un changement de domicile et d’extérieur. Le fond resta le même ; la direction morale de ma vie sortit de cette épreuve très peu infléchie ; l’appétit de vérité, qui était le mobile de mon existence,