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LE BROUILLARD DU 26 OCTOBRE

champignonniste s’obstina vers ses champignonnières. Il avançait posément. Je l’entrevoyais de moins en moins, tel qu’une ombre à peine indiquée, telle son ombre qui se serait levée et qui se serait mise à déambuler toute seule. Pour se diriger, il se fiait à la piste du sentier. Nous ne distinguions plus que cette trace, ou, pour mieux dire, plus que le rond de terrain dont nous étions le centre. Je marchais dans le brouillard comme une créature auréolée marcherait dans la nuit, sans rien voir qu’à la faveur de son nimbe. Mais, par Dieu, qu’on était mal ! Une odeur poussiéreuse et mouillée s’insinuait jusqu’au tréfonds de ma poitrine ; mes dents claquaient ; j’avais les cils et la barbe trempés ; d’innombrables gouttelettes perlaient sur mes vêtements. Il me semblait devenir un homme-éponge imbibé de neige fondue, un sorbet humain. Et j’avais beau me dire que tout cela n’était en somme que les prestiges accoutumés du brouillard, un sentiment désagréable me rappela que j’avais été, moi aussi, l’enfant qui pleure dans le noir.

Dès lors, je me demandai si vraiment il ne