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LE BROUILLARD DU 26 OCTOBRE

était enfouie sous une montagne. Cependant, elle tenait un chronomètre fossilisé !

Je n’ai jamais vu de relique aussi déconcertante. Des miettes de verre, irisé par l’amoncellement de plusieurs antiquités, parsemaient la ruine du cadran. Les charnières de la montre s’étaient soudées. Je l’ouvris du couteau, comme une huître. Il ne restait des rouages d’acier qu’une poudre de rouille, granulée de rubis. Mais l’or impérissable avait résisté aux ravages du temps. On lisait au boîtier terni le nom du vendeur : Samuel Goldschmidt, avenue de l’Opéra, 129, Paris. Et les aiguilles, couvertes d’une croûte minérale, marquaient cinq heures cinq depuis une manière d’éternité.

Je n’entreprendrai pas de dire le désordre de mes pensées.

Trente minutes après, porteur de la montre et de l’occiput, je forçais la consigne et je violais la chambre à coucher de Fleury-Moor. Il était assis dans son lit, les bras croisés.

Son accueil me déçut. Le rapport que je lui fis ne l’intéressa guère, et quand il eut manié distraitement les deux raretés :