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LA CANTATRICE

obscur, celui que cherchaient tous les yeux : Borelli.

Le public attendait avec une impatience bizarre la rentrée en scène de l’oiseau et le moment où l’inconnue recommencerait à chanter. Moi-même j’avais de sa voix un désir tyrannique… Elle jaillit enfin, et ruissela sur nous comme une onde subtile et ensorcelante, où l’on aurait voulu se baigner à jamais…

Quand la Borelli cessa de chanter pour la seconde et dernière fois de la soirée, la foule dut ressentir une contrariété voisine de la souffrance, car on entendit un grand soupir douloureux s’enfler du parterre aux plus hautes loges. Puis les applaudissements éclatèrent, si impétueux, que l’orchestre s’arrêta. Les spectateurs, levés, battant des mains, réclamaient l’apparition et le salut de la diva. Mais en vain Caruso tendait-il à la cantonade un bras solliciteur, Mlle (ou Mme) Borelli se refusait à l’ennui, sans doute, d’exhiber aux feux de la rampe un minois dépourvu de fard.

Je profitai du tumulte mondain pour