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LA CANTATRICE

J’exposai le but de ma démarche, négligeant de parler béquilles et claudication, et faisant à la dérobée l’inventaire du logement. Borelli, poussé par une fausse honte, avait dissimulé son cor de chasse. Je ne découvrais qu’un misérable garni impersonnel : deux chaises, un lit de fer, une commode-toilette ; sur la cheminée, une pendule de bazar flanquée de deux grosses conques épineuses ; aux murailles, des chromos et des patères ; et, dans une encoignure, la malle la plus navrante qu’on puisse imaginer, vétuste et moisie, telle une épave ramassée sur la côte après un naufrage. — Peu à peu, devant cette indigence, la pitié m’attendrissait. Mes offres s’en ressentirent. Elles furent… ce qu’il fallait qu’elles fussent.

Borelli les écouta sans mot dire. Par la fenêtre ouverte il regardait la mer, d’un œil perçant. Ses pieds nus, bronzés, jouaient du bout des doigts avec leurs espadrilles. Dans l’entrebâillement de la vareuse, on voyait son torse brun d’athlète napolitain se soulever fortement au rythme de la vie… Ah ! le beau gars !… Mais où donc l’avais-je aperçu ?…