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LA CANTATRICE

lorée de ce vieillard auguste ; moi la copie dont il était l’original. Le teint d’un loup de mer, le nez romain, deux flammes turquoise sous des sourcils ombreux, le front barré d’une traverse rougeâtre comme en laissent les casques durs, il semblait l’amiral vénérable d’une escadre d’autrefois, un condottiere vieilli dans la gloire navale, un doge de Venise maîtresse de la mer, — immortel ou ressuscité. Le frac gênait l’ampleur de sa poitrine. Mainte dame lorgnait cette majesté patriarcale et guerrière tout ensemble. À son endroit, des noms royaux couraient de bouche en bouche.

Nul doute : c’était là l’ennemi du signor Borelli, — peut-être même son ancêtre et l’ancêtre de la chanteuse ; car, il fallait bien en convenir, l’air de famille déjà noté assimilait leurs trois visages.

Celui du vieillard revêtit une expression de grandeur tragique lorsque l’oiseau se mit à chanter. Sa vieille droite solennelle eut un mouvement nerveux, comme pour déplorer…

Bravos. Rappels. Hurrahs. Désordre.

Je voulus le revoir. Il avait disparu.