Page:Revue de l'Orient Chrétien, vol. 12, 1907.djvu/63

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moi. Il lui répondit : Je ne te permets pas, ô mon frère, de partir avant moi. Puis il se tourna vers les frères assis et leur dit : Donnez-moi une petite natte et un tapis[1]. Il les prit, inclina la tête et rendit le premier l’esprit, puis ce fut le (tour du) malade. Les pères, les ensevelissant tous deux aussitôt, les emportèrent et les enterrèrent avec joie parce qu’ils avaient reçu l’intelligible lumière[2].


5. Deux frères[3] habitaient ensemble au désert. L’un d’eux se ressouvenant du jugement divin, s’en alla errer seul dans le désert. L’autre se mit à sa recherche et, après beaucoup de fatigues, lorsqu’il le trouva il lui dit : Pourquoi fuis-tu ainsi au dehors ? As-tu commis seul les péchés du monde ? Le frère lui dit : Penses-tu que je ne sache pas si mes péchés m’ont été remis ? Certes, je sais que Dieu m’a remis mes péchés, mais je me donne toute cette peine pour voir au jugement (dernier) ceux qui seront jugés.


6. Deux frères[4] étaient voisins et l’un d’eux cachait ce qu’il avait — soit menue pièce de monnaie, soit bouchée de pain — et le jetait chez son prochain. L’autre ne le remarquait pas, mais s’étonnait de voir sa maison se remplir ; un jour cependant il prit l’autre sur le fait, l’attaqua et lui dit : Par tes (dons) charnels, tu m’as fait perdre (?) les (dons) spirituels. Il lui promit de ne plus le faire et ainsi il lui pardonna.


7. Un frère fit une fausse clef[5] ; il ouvrit la cellule d’un vieillard et prit son pécule. Le vieillard écrivit sur un papier : Seigneur frère, qui que tu sois, fais (moi) la charité de me laisser la moitié de mon bien. Puis faisant deux parts de son pécule, il mit le papier (auprès). L’autre entrant de nouveau, déchira l’écrit et prit le tout ; au bout de deux ans il mourut et son âme ne sortait pas (de son corps)[6] ; il appela donc le vieillard et lui dit : Prie sur moi, père, car c’est moi qui ai volé ton pécule. Le vieillard dit : Pourquoi ne l’as-tu pas dit plus tôt ? Puis il pria aussi et pardonna.


8. Un frère avait un vieillard (pour compagnon)[7] et, voyant qu’il enterrait les morts de manière étonnante, il lui dit : Lorsque je serai mort, m’enterreras-tu ainsi ? Il lui répondit : je t’enterrerai jusqu’à ce que tu dises : C’est assez. Peu après le disciple mourut et ce qui avait été dit fut réalisé. Car le vieillard l’ayant enseveli pieusement lui dit devant tous :

  1. Embrimium et ἐμϐρίμιον. Voir les glossaires Ducange. Cf. infra, no 29.
  2. Parce qu’ils avaient vu un fait surnaturel.
  3. Coislin 127, f. 50v.
  4. L, fol. 21r. Coislin 127, f. 76v. B, p. 595.
  5. B, p. 808. Paul, 253.
  6. Son agonie se prolongeait.
  7. Dans la vie érémitique, où chaque solitaire vivait de son côté et à sa manière, les moines devaient se mettre cependant sous la conduite des vieillards. En général chaque vieillard avait un disciple qu’il instruisait et qui le servait.