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vers un voile, ainsi qu’il est écrit dans le Coran : « Il n’est point donné à l’homme que Dieu lui adresse la parole ; s’il le fait, c’est par la révélation ou à travers un voile ». — Et comme les choses immatérielles ne deviennent sensibles que par le moyen des choses corporelles, le verbe de Dieu qui a créé les êtres spirituels, ne se manifestera pas autrement. Aussi ce verbe est-il apparu en Jésus, fils de Marie ; l’homme étant la plus noble[1] créature sortie des mains de Dieu. Ce Verbe se fit entendre aux êtres créés, qui le contemplèrent en Jésus, comme jadis il s’était fait entendre à Moïse de l’intérieur du buisson. Il opéra des merveilles par sa divinité et parut plein de faiblesse dans son humanité. Ces deux attributs (puissance et faiblesse) n’appartiennent qu’au Seigneur Jésus. On dit de même : « Zéid est encore vivant, il n’est point mort et n’a point disparu », et : « Zéid dépérit, est mort et trépassé ». Ces deux propositions se disent absolument de Zéid seul.

Nous disons dans le même sens : « Le Christ a été crucifié, en tant qu’homme, bien entendu, et non en tant que Dieu ». Aussi le Coran porte-t-il : « Ils (les Juifs) ne le crucifièrent pas ; mais il leur sembla (qu’ils l’avaient crucifié)[2] ».

Ne voyons-nous pas le forgeron prendre un morceau de fer, le chauffer jusqu’à ce qu’il soit tout enflammé, le battre et le couper pendant qu’il est presque entièrement changé en feu ? Le coup qui sépare ainsi les deux morceaux n’atteint cependant que le fer : le feu reste intact et n’en continue pas moins à exercer son action propre, à savoir la chaleur et l’éclat. Et néanmoins le morceau de fer renferme à lui seul les deux natures.

Ainsi en va-t-il des deux natures dans le Christ : elles sont unies en une seule personne. Nous trouvons dans le Coran des expressions qui cadrent avec cette explication : le Christ y est appelé l’Esprit de Dieu et son Verbe, et Jésus y est nommé fils de Marie : « Le Christ Jésus, fils de Marie, est réellement l’envoyé de Dieu, et son Verbe incarné dans le sein de Marie[3] ; il est esprit procédant de Dieu ». Et dans un autre endroit : « C’est la parole de vérité ; vous en doutez cependant ».

  1. Pas absolument, car l’ange est bien supérieur comme pur esprit et comme intelligence. Ràheb ne parle évidemment que des êtres terrestres.
  2. iv, 156. Cf. supra.
  3. iv, 169.