Page:Revue de l'Orient Chrétien, vol. 8, 1903.djvu/434

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arguments répondent les preuves de la raison qui est comme la pierre de touche et la mesure des choses.

— Je dis alors : Autre objection des Musulmans. Puis donc que vous croyez que Dieu est unique, d’où vient que vous lui donnez trois personnes ; et pourquoi les appelez-vous l’une Père, l’autre Fils et la troisième Esprit, laissant ainsi à supposer par ceux qui vous entendent que vous admettez un Dieu composé de trois individus distincts, c’est-à-dire trois dieux ou trois parties en Dieu ? Car lorsque vous dites que Dieu a un Fils, celui qui est étranger à votre foi pense qu’il s’agit d’un fils né d’un commerce charnel et par voie de génération, et vous vous attirez ainsi une accusation que vous ne méritez point.

— Et les Musulmans eux-mêmes, me fut-il répondu, ne croient-ils pas que Dieu Tout-Puissant n’a ni corps, ni organes[1], ni membres, et qu’il est sans limites ? Pourquoi alors disent-ils qu’il a des yeux par lesquels il voit, des mains qu’il étend, des jambes[2] qu’il découvre, un côté et un visage qu’il dirige dans toutes les directions ; qu’il vient à l’ombre des nuages ? Ces expressions ne font-elles pas supposer que le Très-Haut a réellement un corps pourvu de membres et d’organes, qu’il se transporte d’un lieu à un autre à l’ombre des nuages ? Ceux qui entendent ces mêmes expressions, sans connaître la vraie croyance des Musulmans, penseront donc qu’ils donnent à Dieu un corps véritable ; et de fait il y a une secte musulmane qui croit cela comme un article de leur doctrine. Et ainsi ceux qui ne savent pas exactement ce que croient les Musulmans orthodoxes les accuseront gratuitement.

— Je répliquai : Mais ce n’est pas sans raison, vous répondent les Musulmans, que nous attribuons à Dieu des yeux, des mains, un visage, des jambes, un côté et la marche à l’ombre des nuages. Le Coran en effet dans toutes ces expressions ne prend pas les mots dans leur signification propre. Quiconque, disent-ils, donne à ces mots leur sens propre et croit que Dieu

  1. Le mot arabe (sing. arabe), employé par le manuscrit, désigne spécialement les membres opérateurs, les pieds et les mains.
  2. Cette expression est prise dans le sens métaphorique et fait allusion à l’usage des Arabes qui retroussent et relèvent leurs longs habits quand ils veulent courir.