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sont pleines d’idées intéressantes) critique avec vivacité le livre de Bawden et expose ensuite ce qui lui apparaît comme l’idée centrale et les diverses tendances du pragmatisme. Le fond de la pensée de James, qui est le fond du pragmatisme, c’est que la réalité est durée ; l’empirisme radical consiste à replacer les relations dans un courant continu, à les voir aller et venir, à admettre qu’il y en a de différentes sortes, les unes extérieures par rapport à leurs termes, d’autres intérieures ; la vérité est une relation qui conduit à des endroits déterminés du flux du devenir ; l’auteur met en lumière le caractère chaotique, anarchiste, de la vision des choses. Humanisme, instrumentalisme, néo-réalisme, ces différentes tendances du pragmatisme viennent de ce qu’on insiste sur tel ou tel aspect de la pensée de James ; l’humanisme de Schiller que Kallen appelle un pragmatisme de droite, insiste sur l’âme et la personnalité, sur le centre actif des choses ; le pragmatisme instrumental de l’école de Dewey pour lequel le centre est partout, est une sorte d’absolutisme amorphe ; l’auteur étudie ensuite le pragmatisme épiphénoméniste et platonisant de Santayana, enfin le néo-réalisme qui veut unir le pluralisme logique de Russell au pluralisme de James (VIII, 23). — S’il y a peu d’articles sur la méthode pragmatiste elle-même, on en trouve un certain nombre qui sont des applications à des problèmes divers de cette méthode qui est avant tout, disent ses adeptes, étude des faits pris dans leur particularité, dans le temps même où ils apparaissent et où ils durent, et dans la fonction qu’ils accomplissent : nominalisme, temporalisme, instrumentalisme. Mentionnons les articles de MM. Boodin sur l’existence des choses (IX, 1), Bode sur l’immédiat (IX, 6). H. M. Kallen sur l’expérience esthétique (IX, 10), Lovejoy sur le réalisme (VIII, 22). C’est encore une application de cette méthode que l’on trouve dans le curieux rapport de l’American Philosophical Association sur la question de la perception (VIII, 26), critiqué par Mrs Ladd Franklin (VIII, 26) et par Royce (IX, 4).

Plusieurs articles de psychologie parmi lesquels celui de M. Mitchell sur la conscience (VIII, 21), un article de M. Hollingwork sur les rêves (VIII, 25) et un autre de M. Downey sur la synesthésie chez les écrivains anglais (IX, 18).

Rivista di Filosofia. — G. Marchesini, ancien directeur d’une revue positiviste qui a donné naissance à celle-ci, dans un article intitulé Le principe de la réintégration dans le monde idéal (février, pp. 40-54), développe quelques-unes des idées directrices qu’il doit développer dans un livre en préparation : La doctrine positive des idéalités. Ce principe de réintégration est une loi psychologique, qui correspond pour l’auteur à ce que d’autres ont appelé « substitution des motifs », ou encore, suivant les termes de W. Wundt, « hétérogenèse des fins, synthèse aperceptive et mécanisation progressive ». Il faut voir dans cet exposé une nouvelle manifestation du besoin, vivement ressenti de nos jours par le positivisme, de compléter sa théorie de la science par une théorie propre de l’idéal.

G. Rensi, dans le même fascicule (pp. 75-106), examine la nature et les conditions de l’Universel moral. Partant de la théorie sociologique d’une réalité morale positive, exposée notamment par M. Lévy Brühl, l’auteur en accepte la partie critique, mais il en juge insuffisante la partie reconstructive. En effet, si l’on admet que l’universel moral soit tel seulement en tant qu’universel immanent, en tant que vivant comme loi dans les individus, alors il faut accepter les conclusions, de M. Lévy-Brühl, c’est-à-dire renoncer à l’idéalisme, mais aussi du même coup renoncer à toute véritable universalité, parce que celle-ci se dissout alors en autant de groupes divers d’expansion qu’il y a d’unités collectives diverses. Le concept authentique de l’universel moral ne peut se maintenir, suivant Rensi, que si l’on admet au contraire que son universalité est fondée sur un ensemble de véritables manifestations d’un Dieu libre et transcendant.

A. Calcagno, étudiant Henri Bergson et la culture contemporaine (octobre, p. 407-431), se demande en quel sens cette nouvelle théorie de la vie peut être aussi une doctrine de vie, et quelle inspiration nouvelle et féconde elle peut apporter à la vie et à la science, c’est-à-dire à la culture contemporaine. Le bergsonisme conduit à une vue romantique de la vie ; et, comme une culture véritable doit être fondée sur un principe formel, il serait absurde, pour l’auteur, de vouloir édifier une culture sur la seule base du bergsonisme. Toutefois l’énergie, créatrice personnelle, et autonome recevra du bergsonisme une impulsion décisive, pourvu qu’elle rompe ensuite radicalement avec la méthode bergsonienne, qu’elle retienne les seules idées fécondes et prolonge les éléments formels impliqués dans la doctrine. Calcagno indique à grands traits en quel sens peut se faire ce prolongement, et son point de vue peut être caractérisé par cette formule : « La philosophie doit