Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/39

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pourra toujours trouver un nombre commensurable dont le carré soit encore plus rapproché de 2.

Dans la manière de voir de M. Kronecker, le nombre incommensurable 2 n’est autre chose que le symbole de ce mode particulier de répartition des nombres commensurables ; et à chaque mode de répartition correspond ainsi un nombre, commensurable ou non, qui lui sert de symbole.

Mais se contenter de cela, ce serait trop oublier l’origine de ces symboles ; il reste à expliquer comment on a été conduit à leur attribuer une sorte d’existence concrète ; et, d’autre part, comme l’a fait observer le P. Carbonnel, la difficulté ne commence-t-elle pas pour les nombres fractionnaires eux-mêmes ? Aurions-nous la notion de ces nombres, si nous ne connaissions d’avance une matière que nous concevons comme divisible à l’infini, c’est-à-dire comme un continu ?


LE CONTINU PHYSIQUE.

On en vient alors à se demander si la notion du continu mathématique n’est pas tout simplement tirée de l’expérience. Si cela était, les données brutes de l’expérience, qui sont nos sensations, seraient susceptibles de mesure. On pourrait être tenté de croire qu’il en est bien ainsi puisque l’on s’est, dans ces derniers temps, efforcé de les mesurer et que l’on a même formulé une loi d’après laquelle la sensation serait proportionnelle au logarithme de l’excitation.

Mais si l’on examine de près les expériences par lesquelles on a cherché à établir cette loi, on sera conduit à une conclusion toute contraire. On a observé par exemple qu’un poids A de 10 grammes et un poids B de 11 grammes produisaient des sensations identiques, que le poids B ne pouvait non plus être discerné d’un poids C de 12 grammes, mais que l’on distinguait facilement le poids A du poids C. Les résultats bruts de l’expérience peuvent donc s’exprimer par les relations suivantes :

qui peuvent être regardées comme la formule du continu physique.

Il y a là, avec le principe de contradiction, un désaccord intolérable et c’est la nécessité de le faire cesser qui nous a contraint à inventer le continu mathématique.

On est donc forcé de conclure que cette notion a été créée de toutes