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DIALOGUE PHILOSOPHIQUE

ENTRE EUDOXE ET ARISTE


eudoxe. — Puisque je vous vois, mon cher Ariste, si fort irrité contre les faiseurs de systèmes, vous plaît-il qu’oubliant en quel temps nous vivons, nous examinions non pas les opinions des autres, mais les choses mêmes, afin de mieux connaître quelles elles sont ?

ariste. — Je le veux bien.

eudoxe. — Ne vous semble-t-il pas que vous percevez deux objets comme distants l’un de l’autre ?

ariste. — Oui.

eudoxe. — Et que vous percevez la distance même qui les sépare ?

ariste. — Sans doute.

eudoxe. — Pour percevoir cette distance vous devez mouvoir vos yeux ?

ariste. — Si la distance est grande, oui sans doute, Eudoxe.

eudoxe. — Il existe donc une distance assez petite pour que vous puissiez la percevoir sans mouvoir vos yeux ?

ariste. — Il me semble qu’oui.

eudoxe. — Considérez donc deux points assez écartés l’un de l’autre pour que vous ne puissiez point les percevoir en même temps ; comment percevez-vous la distance qui les sépare ?

ariste. — En promenant mon regard de l’un à l’autre.

eudoxe. — Fort bien. Je rapproche maintenant ces deux points l’un de l’autre insensiblement. Il arrivera, n’est-ce pas, un moment où vos yeux pourront percevoir la distance qui sépare ces deux points, tout en restant immobiles ?

ariste. — Assurément.

     tome i. — 1893.
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