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DE LA NEUTRALITÉ.

l’état. Cette autorisation s’appelle lettre de marque. L’usage d’accorder des lettres de marque est très-ancien. On trouve ces diplomes dès le douzième siècle[1] ; mais là, ce droit n’a rapport qu’aux représailles, c’est-à-dire, à la faculté de saisir, d’autorité privée, les biens ou la personne de ceux contre lesquels on avait des griefs. Il semble que ce n’est qu’au quatorzième siècle que s’introduisit l’usage de considérer comme nécessaire d’être muni de lettres de marque ; car c’est seulement à cette époque qu’on les trouve mentionnées dans les traités. Quant aux pirates, n’ayant pas le droit de faire des conquêtes, ils ne peuvent acquérir et posséder légitimement leurs prises, et le vrai propriétaire conserve toujours le droit de les réclamer partout où elles se trouvent. On peut citer à ce sujet un traité de paix et de commerce, stipulé en 1265, entre la république de Pise et le roi de Tunis. D’après l’article 30, « les Pisans ne doivent acheter aucune marchandise ni aucun esclave qui aurait été pris ou enlevé par des pirates aux Sarrasins d’Afrique ; et dans le cas où ils le feraient, il sera permis de les leur enlever[2]. »

Quoique les lois de la guerre autorisent les belligérans à exercer toute sorte d’hostilités contre l’ennemi, partout où il se trouve, néanmoins la prise est injuste, et conséquemment de nul effet, si elle a lieu sous le canon d’une ville ou d’un fort, et dans l’espace de mer compris sous la juridiction d’une puissance amie et neutre. Des traités publics ont aussi fixé un terme pour donner aux navires qui se trouveraient en route le temps d’être instruits de la rupture. Ces navires étaient partis confians dans la paix ; on ne voulait pas que la guerre eût pour eux un résultat qu’ils ne pouvaient pas prévoir. Plût au ciel que toutes les nations imitassent ces nobles exemples ! Quelques faits particuliers, quoique malheureuse-

  1. Voyez Ducange.
  2. Annali di Pisa.