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DU COMMERCE DE LA MER NOIRE.

soins du laboureur[1]. Odessa et un grand nombre d’autres villes se sont élevées tout à coup, comme par enchantement ; et, dans la courte période de quelques années, la population, les arts et les jouissances de l’Europe sont passés sur des bords naguère sauvages et inhospitaliers. De tous côtés, les marchands accourent ; ils reçoivent l’accueil le plus bienveillant et la protection la plus active, et l’on échange pour cent millions de marchandises aux mêmes lieux où aucun Européen n’osait mettre le pied il y a trente ans. À peine la Géorgie s’est-elle soumise aux armes russes, que des provinces dont les noms étaient inconnus auparavant, ont été ouvertes à la curiosité des voyageurs ; ils les ont parcourues avec autant de sécurité qu’aucun autre pays ; nous commerçons aussi facilement avec Tiflis et Erivan qu’avec Moscou ; les Ostiaks, les Kalmoucks, les Kirghis, et beaucoup d’autres tribus belliqueuses, ont accepté le joug de la loi ; on les instruit dans l’agriculture et les arts ; on les dompte peu à peu par les bienfaits de la paix.

Sans doute, c’est à la situation accidentelle de la Russie qu’est dû l’heureux accord que l’on remarque entre le développement de sa puissance et la prospérité directe du monde, entre son avantage particulier et l’utilité générale de toute l’Europe. Quoi qu’il en soit, il doit paraître incontestable aujourd’hui que, dans le cours d’un demi-siècle, cet empire a

  1. Selon Peyssonel, le gouvernement de Dubassar, l’une des provinces les plus fertiles et les plus peuplées qui, à cette époque, étaient réunies au Caucase, rendait tous les ans environ 8,000 tchetwerts de blé, 300 pouds (le poud répond à 16 kilos environ.) de suif, ou 4 ou 5,000 brebis, 3 à 400 bœufs, et quelques autres articles de moindre importance. Aujourd’hui, quoique la population soit moins nombreuse, la consommation est devenue beaucoup plus considérable, et l’exportation annuelle, qui s’écoule par la route d’Odessa, s’élève à environ 125,000 tchetwerts de blé, 50,000 pouds de suif, et autres marchandises qui suivent la même proportion. Il se trouve aujourd’hui dans cette province des propriétaires qui recueillent chaque année de 3 à 40,000 tchetwerts de blé ; quelques autres qui font paître 1,500 bœufs, et possèdent plus de 15,000 brebis des meilleurs races.