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SOCIÉTÉS POPULAIRES.

dans un département où la laideur est presque une exception. René-François Dumas, plus connu de ses compatriotes sous le nom de l’abbé Dumas, et qui suivait avec une cruelle naïveté d’organisation les erremens de Marat, avait dans tous ses traits quelque chose de la repoussante expression de son prototype ; il n’était cependant ni vieux ni difforme, ni cynique dans son langage et dans ses manières : il n’était que hideux.

Les jacobins de Lons-le-Saulnier avaient, en grande partie, suivi le sort des conventionnels. Ils s’exilaient d’une cité en contre-révolution, c’est-à-dire, dans leur acception convenue de ce mot, fidèle aux principes de l’ordre, de la modération et de la justice, pour aller goûter dans une atmosphère plus orageuse les douceurs de la liberté, de la fraternité et de la mort. C’est ainsi que René-François Dumas se présenta un jour à la barre de la société populaire de Besançon, où ses principes semblaient lui assurer un vif accueil de sympathie. Le nom du chef éloquent qui venait de soutenir une poignée de citoyens résolus, contre le système effrayant du gouvernement, qu’on appelait alors, si improprement, la république, y était seul parvenu ; la méprise était inévitable, quoique grossière. La rumeur qu’elle excita fut longue et menaçante, et peu s’en fallut que Timoléon ne payât pour Timophanes. Enfin, l’erreur s’éclaircit, et René-François Dumas gagna la tribune avec l’anxiété hargneuse d’une bête sauvage qui a essuyé une première décharge sans être blessée, et qui rompt les rangs des chasseurs en rugissant. J’étais là, et je ne sais quelle prévision inexplicable me forçait à détailler tout l’ensemble de cette étrange figure qui n’avait encore rien d’historique ; mais on m’étonnerait beaucoup aujourd’hui, si on me démontrait que je me suis trompé de la plus légère circonstance dans l’image vivante que ma mémoire en a conservée, depuis ses souliers de cabron fauve à son chapeau de feutre gris.

Il avait un pantalon de bazin blanc, un gilet de la même étoffe, qui était alors à la mode, et une cravate également