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LE FAUX-PONT.

une flamme si blanche, souvent ils avaient entendu raconter par un vieillard que dans le nord, quelques tribus, au lieu de manger leurs prisonniers, les vendaient aux hommes blancs, qui les emmenaient dans leur pays… bien loin… bien loin… Ici les renseignemens s’arrêtaient et la crainte s’augmentait de cette ignorance ; aussi, nous l’avons dit, les Namaquois de feu (hélas ! on peut bien, je crois, dire de feu) le capitaine Benoît, étaient sombres et tristes.

Les uns assis, la tête penchée sur la poitrine et le bout de leurs pieds dans leurs mains, avaient les yeux fixes, ternes, et restaient dans un état d’immobilité parfaite…

D’autres roidissaient leurs bras, serraient fortement leurs dents et faisaient je ne sais quel mouvement buccal intérieur ; mais de temps en temps leurs joues s’enflaient, leurs yeux devenaient sanglans, et on entendait une sorte de crépitation sourde et saccadée s’échapper de leur poitrine haletante.

Ils cherchaient ceux-là, ou peut le présumer du moins, à avaler leur langue ; espèce de mort, dit-on, assez commune chez les sauvages.

D’autres, couchés en long, semblaient fort calmes, mais de temps en temps ils imprimaient à leurs jambes une violente et affreuse secousse, comme pour les arracher de l’anneau qui les étreignait ; ce qui était absurde, et prouvait bien la stupide ignorance des sauvages, car ces anneaux, rivés avec la barre, n’avaient, comme on le pense bien, aucune élasticité…

Ceux-ci enfin, et c’était le plus grand nombre, tournés sur le côté, dormaient… dormaient très-profondément, mais d’un sommeil souvent interrompu par quelques mouvemens convulsifs, quelques tiraillemens de l’estomac, ou quelque joyeux souvenir des rivages du fleuve Rouge !

Comme le souvenir d’une bonne danse namaquoise, si vive et si preste, au son du jnoum-jnoum, sous des mimosas qui secouent leurs pétales roses, et font mystérieusement bruire la verte dentelle de leurs feuilles, alors que le soleil couchant