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VOYAGES.

vainement elle veut prendre un ton lugubre pour faire ses adieux à ses compagnes ; bon gré mal gré, elle rit aux éclats, s’efforçant inutilement de leur peindre tout l’excès de sa douleur et de son désespoir : la joie l’emporte enfin ; la malade fut guérie par le remède, et depuis ce temps, les Persans, nos voisins, ont conservé au vin le nom que lui donna leur vieux roi Djemchyd, zeher-i-khoch, le doux poison.

Après avoir peigné sa barbe, et religieusement accompli les pratiques de sa loi, récité son fatha et fumé son tchibouk, notre hôte s’étendit sur son tapis en nous invitant à imiter son exemple, sans plus de cérémonie. Quoique privés du doux balancement de la Fenice, nous n’en dormîmes pas plus mal, et nous ne nous réveillâmes qu’au grand jour.

Le bord de la mer était alors couvert d’une multitude de barques venues de Smyrne, pour chercher des provisions. Nous nolisâmes celle qui nous parut la mieux installée et elle nous fit faire le trajet en une heure et demie. Ces caïques, semblables à ceux de Constantinople, ont une marche supérieure ; mais ils chavirent facilement.

On a souvent comparé le golfe de Smyrne à celui de Naples ; la comparaison est tout-à-fait à l’avantage de ce dernier. Où retrouver ici le Vésuve et ses teintes violette au soleil couchant, Portici et ses riches palais, Sorrente et ses orangers embaumés, la pâle et sauvage Caprée, Ischia et ses campagnes verdoyantes ?

Mais en revanche combien Smyrne elle-même l’emporte sur la capitale des Deux-Siciles ! Là se retrouve l’Asie tout entière ! là se réalisent les brillantes fictions des contes arabes ! là se développe l’Orient avec ses pompes, sa magnificence, ses formes pittoresques, son