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VOYAGES.

sins dans lesquels la roideur des formes trahit une origine égyptienne ; des strigilles bronze et or, des bijoux d’un riche travail, des jouets d’enfans que la pieuse sollicitude d’une mère a placés près du cadavre d’un fils chéri, et du fard… du fard ! comme si les stériles ressources de la vanité humaine osaient tenter de déguiser sous la couleur des roses les horribles empreintes de la mort. Combien de générations sont venues à la fin d’une vie agitée se presser sous ces laves séculaires ! Elles espéraient y trouver un inviolable asile, que leurs compatriotes plus malheureux encore leur disputent et leur ravissent aujourd’hui.

Ce n’est plus que dans les tombeaux que se retrouvent les restes de la splendeur d’Égine ; partout ailleurs le temps a passé son impitoyable niveau. Deux monumens ont pu seuls échapper partiellement à ses ravages. Sur le cap septentrional, le temple de Jupiter Panhellénien soutient sur ses nombreuses colonnes d’ordre dorique quelques entablemens mutilés qui ne sont pas sans grâce ; ils couronnent de la manière la plus pittoresque une colline isolée qui fait face à l’Attique. Dans ses proportions règnent tant de justesse et d’harmonie, le hasard a d’ailleurs disposé ses ruines avec tant de goût, ces fûts, ces frises, ces corniches, ces chapiteaux renversés et brisés par les tremblemens de terre, conservent dans leur ensemble un agencement si original, que le vieux temple, tout ruiné qu’il est, arrache au voyageur un cri de surprise et d’admiration.

Le cap opposé porte les vastes soubassemens de l’édifice que les Éginètes avaient consacré au culte d’Aphrodite.

Attestant sur ses bords les âges révolus,
Noble et dernier débris d’un siècle qui n’est plus,