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CONSTANTINOPLE EN 1831.

disputent leur proie sous les pieds des chevaux du sultan. C’est encore aux portes de ces palais que l’on trouvait à côté des cavas, des bourreaux, les têtes empaillées et les sacs d’oreilles.

Trois hommes ont aujourd’hui une grande influence dans l’empire : le secrétaire du sultan, Mustapha Effendi, Chosrew-Pacha, et Cassas-Artin.

Le premier est un superbe jeune homme, batelier dans son enfance, et que sa belle voix dans les écoles des mosquées fit distinguer ; il dirige son maître et est dirigé à son tour par un ancien domestique franc. Il s’occupe, à ce qu’il prétend, de donner l’impulsion au commerce et à l’industrie, c’est-à-dire qu’il expédie pour son compte trois ou quatre bâtimens dans la mer Noire, qu’il monopolise les denrées, qu’il a fait venir une charrue et un agronome d’Angleterre, que S. H. et lui marchandent comme des bacals[1], et ont ensemble des conférences de tailleur.

Chosrew-Pacha, dit le pacha boiteux, esclave circassien du grand-seigneur, est à la tête de la réforme militaire ; c’est un petit homme tenant beaucoup du singe, avec sa figure colorée, ses favoris blancs ; à force de souplesse, il a conservé sa tête à travers toutes les révolutions du sérail. On le regarde comme le premier menteur de l’empire ; on le trouve partout avec son activité prodigieuse, faisant la police des rues et parlant au divan. C’est lui qui, se promenant avec quinze cents hommes dans Constantinople, maintint les restes des janissaires au moment de la prise d’Andrinople par les Russes. Il veut exercer et payer ses soldats lui-même. Il escamotait, pour ainsi dire, des livres, des mémoires aux

  1. Bacal, marchand en détail, épicier.