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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

a dans tous les villages, et jusque sur le poétique promontoire de Palinure. J’ai vu la tête d’un vieillard dont les cheveux blancs, souillés de sang, flottaient au haut de la pique où elle était plantée, devant sa propre maison ; et (ce qui est horrible à dire !) les habitans étaient faits à ce spectacle.

C’est sous le plus beau ciel du monde, en présence d’une nature ravissante, au milieu du parfum des orangers en fleurs, que l’homme rêve et exécute de telles atrocités ! Je me demandais si la mollesse de l’air ne devait pas adoucir ces âmes, si l’éclat des cieux, les fêtes du printemps, n’invitaient pas à l’oubli et à la concorde ; ils ne servaient, hélas ! qu’à rendre plus douloureuses ces scènes lugubres.

Le ministre de ces vengeances, le général Carreto a laissé un nom de sang dans ces provinces. Le jeune roi vient de récompenser de si glorieux antécédens, en l’appelant au ministère, et l’on prétend nous faire croire aux bonnes intentions de S. M. napolitaine !

Quand je repris ma route vers les Calabres, la retraite des Capozzoli n’avait point encore été découverte, et je partis en faisant des vœux pour qu’elle ne le fût pas : ils ne furent pas exaucés.

Le roi s’étonnait que ses limiers fussent si long-temps en défaut, et allait sans doute ordonner un redoublement de rigueur, lorsque son premier ministre, le chevalier Medici, lui dit : « Sire, que ne mettez-vous à prix la tête des rebelles. Il n’y aura pas un ami qui ne vende son ami, pas un frère qui ne vende son frère. »

Ce fut là un trait de lumière : le noble conseil fut suivi, et l’événement ne justifia malheureusement que trop la triste prophétie du ministre de corruption.