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VOYAGES.

le gouvernement poursuit sa marche aveugle et fatale.

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J’ai traversé, tant en Calabre qu’en Basilicata, d’autres colonies albanaises : quoique moins tranchées, elles ont cependant conservé quelques-unes le culte grec, et toutes l’idiome et quelque chose du costume paternel. Les usages y sont presque effacés, et les chansons nationales oubliées.

Bien des mois après avoir quitté les Calabres, j’ai retrouvé encore des populations d’origine albanaise dans les plaines de Pouille, depuis la terre d’Otrante jusqu’au bord du Biferno, sur les confins de l’Abruzze[1] ; mais elles sont pour la plupart tellement fondues avec leurs voisins, qu’il est impossible de les en distinguer. Grâce à leur situation, les Grecs montagnards conserveront quelque temps encore une physionomie originale ; mais répandus dans les plaines, et par conséquent sans rempart contre l’irruption des mœurs italiennes, leurs confrères de Pouille en ont subi l’empire, et ont perdu jusqu’au rit grec. Quelques noms propres surnagent seuls dans ce grand naufrage des mœurs antiques, comme pour leur rappeler leur origine. Il y a encore en Capitanata des Castriot, quoique des historiens prétendent que le dernier rejeton de la famille de Scander-Beg, le marquis de Saint-Ange, ait été tué à la bataille de Pavie de la main même de François Ier.

Les Albanais de la province de Molise (l’antique Samnium) sont moins effacés. En abandonnant le culte et le costume de leurs pères, ils en ont gardé la langue et surtout le caractère altier et vindicatif. Leur devise, comme

  1. J’ai même rencontré dans l’Abruzze ultérieure un petit village albanais où le rit grec est conservé : c’est Villa-Badessa, près de Civita-di-Penne.