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LES ALBANAIS EN ITALIE.

chez leurs frères de Calabre, c’est que le sang lave le sang : sangue lava sangue ; et je pourrais citer plus d’une catastrophe où cette sanglante maxime a été mise en pratique. Ils ont même conservé quelques lambeaux de chants anciens. J’ai retrouvé à Porta-Cannone, village à quelques centaines de pas du Biferno, la ballade de Constantin-le-Petit, telle que je l’avais entendu chanter à Santa-Sofia six mois auparavant. Cette coïncidence entre deux villages sans communications, séparés par plus de cent lieues et par des montagnes formidables, prouverait sans réplique leur communauté d’origine, si elle avait besoin de l’être.

Les Albanais occupent dans le royaume des Deux-Siciles cinquante-neuf bourgs et villages, et forment une population de plus de soixante mille âmes. Ils ont rendu service au pays en fécondant des rochers et peuplant des déserts. Tant que le gouvernement eut l’esprit de le sentir, il favorisa ces émigrations ; elles continuèrent jusqu’au règne de Charles-Quint, mais l’ineptie des vice-rois y mit fin par des craintes puériles et de ridicules chicanes.

Ainsi ce royaume de Naples, dont la nature est si variée dans sa magnificence, n’offre pas moins de merveilles à la pensée. Tous les peuples, anciens et modernes, s’y sont donné rendez-vous, depuis le biblique Phénicien jusqu’au républicain tricolore. Tous y ont laissé des traces de leur passage, comme chaque siècle y a son monument. Toutes les sociétés y ont été en présence, s’y sont heurtées. Il y a eu choc de toutes les opinions, de toutes les croyances, de toutes les passions.

Composée de tant d’élémens hétérogènes, ébranlée si souvent dans ses bases, l’Italie est prise de lassitude