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MANUSCRIT DE SANCHUNIATHON.

reçu la lettre suivante de M. Grotefend, auquel il s’était adressé pour lever ses incertitudes.

Hanovre, le 18 août 1836.
Monsieur,
Peu de temps après avoir recommandé aux savans l’analyse de la traduction de Sanchuniathon par Philon de Byblos, qu’on prétend avoir découverte récemment, j’ai eu lieu de me convaincre que l’auteur de cette analyse n’était qu’un mystificateur, et je me suis vu dans la nécessité d’exprimer publiquement mes doutes sur l’authenticité de sa découverte. Il est vrai qu’il y a tant de motifs qui plaident en faveur de l’authenticité de l’ouvrage, que les hommes les plus habiles peuvent difficilement y trouver la matière d’un doute. Mais comme tout ce qui a paru à ce sujet dans le public annonce, dans M. Wagenfeld, un insigne mystificateur, et que personne n’a pu jusqu’ici examiner le manuscrit, on est autorisé à douter de l’authenticité, sinon de l’ensemble, du moins de beaucoup de détails. On était d’autant plus éloigné de s’attendre à une pareille supercherie de la part d’un jeune homme candidat en théologie et en philologie à Brême, que l’amour de la vérité est le trait caractéristique des Allemands. Mais malheureusement M. Wagenfeld a si peu d’amour pour la vérité, que je me suis vu obligé de rompre toute relation avec lui. Les doutes que j’ai émis dans les journaux n’avaient d’autre but que de le mettre au pied du mur, afin d’arriver au moins à quelque certitude. Ils ont eu pour résultat de le faire traiter avec la librairie Schünemann, à Brême, pour l’impression de l’original grec. Mais malheureusement on doute également de l’authenticité de cet original. Et en admettant même que ce texte grec eût pour base un ancien manuscrit, on ne peut prendre pour argent comptant ce qui vient d’un homme qui, comme M. Wagenfeld, est convenu que pour le plaisir de mystifier le public, il ne craindrait pas de recourir à l’imposture.

« Recevez, monsieur, etc.

G.-F. Grotefend. »


On voit, par cette lettre, que tous les doutes sont encore loin d’être levés ; mais elle nous prouve que M. Grotefend est véritablement l’auteur de la préface qui précède l’analyse en question, et que, ne connaissant pas les motifs peu honorables qui ont pu déterminer M. Wagenfeld à abuser de sa bonne foi et de celle du public, il a cru dès le principe à l’authenticité de l’ouvrage. Mais qu’on ne se hâte pas de blâmer le respectable directeur du lycée de Hanovre d’avoir accordé confiance à ce travail, car il est fait avec tant d’ha-