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versaire le plus prononcé de l’intervention, parce que cette mesure représentait une baisse de quelques francs, elle ne pouvait ignorer qu’il ne s’agissait, cette fois, ni d’armer cent mille hommes ni de dépenser trois cents millions.

Si, au moment où l’on consulta l’Angleterre, en lui laissant deviner une intention déjà fort arrêtée, on avait résolu cette entreprise d’une manière aussi loyale, mais aussi ferme en même temps que le siége d’Anvers, qui doute que le succès n’en eût été aussi sûr que rapide ? Quelques bataillons débarquant à Portugalette, sous le pavillon de l’alliance anglo-française, durant ce premier siége de Bilbao, si fatal à l’armée carliste ; une division filant sur l’Èbre, pour en occuper les principales places, et rendre les garnisons espagnoles disponibles ; une force navale britannique secondant ces opérations pour en bien fixer le caractère : voilà pour la partie stratégique. Quant à la partie morale, elle paraissait plus propre à ramener l’Europe continentale qu’à la froisser. Faire comprendre à l’infant don Carlos, qui ne pouvait manquer d’y être alors fort disposé, qu’il lui était donné de se retirer avec honneur et en conscience devant une force étrangère ; prendre des mesures pour assurer convenablement sa position personnelle, et peut-être les intérêts éventuels de sa famille ; déterminer l’évacuation temporaire des provinces insurgées, en leur assurant, pendant le cours d’une occupation qui eût été plus longue qu’onéreuse, le bénéfice d’un régime exceptionnel ; continuer enfin, dans la Péninsule, cette politique de modération et de prévoyance dont la France s’honorait à juste titre : telles nous apparaissaient alors ses obligations, telles elles n’ont jamais cessé de nous apparaître depuis[1].

L’intervention exercée avec opportunité détournait des chances dont il est impossible qu’on n’ait pas compris les dangers. Elle offrait au gouvernement français, pour son action intérieure, des avantages si réels, que des motifs de la plus haute gravité ont pu seuls prévenir une mesure, complément naturel de sa politique. Or, ces obstacles ne se rencontrant pas en Espagne, il faut de toute nécessité les chercher en Europe.

Ici la tâche du publiciste qui se respecte devient plus difficile ; il n’entend pas, comme d’autres, tout ce qui se dit dans les conseils des rois ; il ne

  1. L’auteur a peut-être le droit de faire remarquer qu’ayant eu occasion, dans le cours de l’année dernière, de traiter incidemment cette question dans ce même recueil, il la résolut dans les mêmes termes, en laissant prévoir des chances qui se sont trop tristement réalisées. Il est loin d’attacher de l’importance à ses idées ; mais il met quelque prix à établir qu’elles ont toujours été fixées sur un sujet qui a été pour la presse périodique le sujet des plus étranges et des plus déplorables variations. (Des partis et des écoles politiques en France, troisième article, Revue des Deux Mondes, no  du 1er novembre 1835.)