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REVUE. — CHRONIQUE.

mander à la chambre l’autorisation de pourvoir, au défaut du gouvernement grec, au paiement des intérêts et de l’amortissement de l’emprunt, dans la proportion de notre garantie, c’est-à-dire du tiers de l’emprunt.

La garantie donnée jusqu’à ce jour, par les trois puissances signataires du traité du 14 juin 1833, était de 20 millions chacune. Le trésor français ne s’est encore engagé, jusqu’à ce jour, que pour 15,194,112 fr. La France a donc, selon ses engagemens, à émettre encore pour 4,805,888 fr. de bons en faveur de la Grèce. M. Laffitte a demandé qu’on précisât le chiffre du crédit. On voit qu’il lui eût été facile de le préciser lui-même. Quant à l’Angleterre et à la Russie, elles ont garanti, jusqu’à présent, un million de plus.

La France, on doit le dire, s’est alarmée la première. Un homme spécial et éclairé, capable de juger la question sur tous les points, a séjourné en Grèce pour étudier les ressources financières du pays. C’est M. Regny. Ses rapports sont favorables à la Grèce. Selon lui, elle est en état de rembourser l’emprunt. En peu d’années, les revenus du pays ont doublé, et une bonne administration les augmenterait encore dans une rapide proportion. C’est après avoir examiné les rapports de M. de Regny que le ministre des finances a proposé à la chambre de faire face au paiement du semestre grec, en même temps que M. Molé proposait à lord Palmerston des mesures qui avaient déjà l’approbation du cabinet de Saint-Pétersbourg. Il s’agissait d’autoriser la vente des terres du domaine public, affectées par la Grèce comme garantie de l’emprunt, et de n’en conserver qu’un tiers. Cette vente eût fourni au gouvernement grec les moyens de faire le service courant des intérêts et de l’amortissement de son emprunt ; et comme la plupart de ces terres sont incultes, le fait seul de leur possession par des mains actives eût encore augmenté les ressources du pays. Lord Palmerston a répondu, dit-on, qu’en fait de garanties, le tout vaut mieux qu’un tiers, et les négociations se sont trouvée suspendues par cette inexorable règle de trois. En attendant, voici le 1er mars, et il ne serait ni prudent ni habile de laisser choir jusqu’à l’insolvabilité un gouvernement notoirement solvable, auquel il ne faut qu’une surveillance intègre, et quelques généreux délais. Or, en ce qui concerne cette surveillance, le ministère est décidé à se montrer rigoureux, et la mesure temporaire du paiement du semestre actuel une fois prise, à n’accorder aucune émission de bons, si le gouvernement grec ne prend l’engagement de ne pas les employer au paiement des sommes réclamées par la Bavière. Le traité passé entre la Bavière et la Grèce oblige la première de ces puissances à donner à la seconde tous les secours dont elle pourrait avoir besoin ; or, le plus grand secours que la Bavière puisse donner à la Grèce, celui dont elle a le plus besoin, c’est la jouissance des sommes de l’emprunt garanti par la France, la Russie et l’Angleterre. L’en dépouiller comme la Bavière l’a déjà fait, lors de l’émission partielle des bons de la troisième série par le ministère du 22 février, c’est aller contre tous les termes du traité, et la France doit s’opposer, elle s’opposera à ce que pareil cas se renouvelle. On voit, au reste, qu’ici comme ailleurs la France joue toujours le même rôle. Elle ne veut garantir la troisième série de l’emprunt et ne l’émettre qu’à de certaines conditions toutes favorables à la Grèce ; elle exécute fidèlement les traités, mais elle veut qu’ils soient exécutés avec fidélité par tout le monde. Tout ministère qui ne marchera pas dans cette voie ne fera pas long-temps les affaires de la France.