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REVUE DES DEUX MONDES.

— La revue du roi, favorisée aujourd’hui par un temps magnifique, a été des plus brillantes. On a remarqué l’empressement de la garde nationale, le vif enthousiasme qu’elle a témoigné à plusieurs reprises. Le roi a voulu sortir de l’enceinte réservée ; il est revenu aux Tuileries au milieu d’une foule, immense, qui partout a salué son passage par les plus franches acclamations.


— La mort de M. Népomucène Lemercier a réveillé les ambitions littéraires ; on assure que MM. Ancelot et Casimir Bonjour se remettent sur les rangs et demandent le fauteuil de M. Lemercier. Nous espérons que l’Académie française comprendra la nécessité d’atténuer le souvenir du choix malencontreux qu’elle a fait au mois de février, et s’empressera d’appeler dans son sein M. Victor Hugo. L’auteur des Feuilles d’Automne, de Notre-Dame de Paris, d’Hernani, est en effet l’héritier naturel de l’écrivain hardi à qui nous devons Pinto, Agamemnon et la Panhypocrisiade ; il y a entre le talent inégal et aventureux de M. Lemercier et l’audace persévérante de M. Hugo une parenté que personne ne peut nier. Pour notre part, nous ne cesserons de soutenir la candidature académique de M. Hugo, car nous croyons que sa place est depuis long-temps marquée entre MM. Châteaubriand et Lamartine. Nous ne prendrons pas la peine de relever tout ce qu’il y a de maladroit dans les insinuations dirigées contre la Revue par les amis du poète, que nous avons jugé en toute occasion avec une indépendance absolue. Il y aurait plus que de la puérilité à tenter de démontrer que MM. Sainte-Beuve, Charles Magnin et Gustave Planche, en parlant des œuvres de M. Hugo, n’ont jamais écouté que la voix de leur conscience, et que l’opinion récemment exprimée dans ce recueil sur les Rayons et les Ombres n’est ni une rétractation ni une avance. Le bon sens public se charge de réfuter de pareilles insinuations. Nous avons toujours rendu pleine justice au talent de M. Hugo, et personne n’a loué plus franchement que la Revue les services rendus à notre langue par les Feuilles d’Automne et Notre-Dame de Paris ; personne n’a insisté avec plus de plaisir sur la simplicité familière que M. Hugo a su donner à l’alexandrin dans le dialogue dramatique. Mais notre admiration n’a jamais dégénéré en aveuglement ; en appelant l’attention publique sur les rares qualités de style que M. Hugo a montrées depuis quinze ans, nous n’avons pas renoncé au droit de signaler les lacunes intellectuelles et morales qui se rencontrent dans son talent. Il manie les mots avec une puissance singulière, il a discipliné la rime et la gouverne avec une autorité militaire, il connaît mieux que personne l’art de présenter une image sous toutes ses faces, il traite la partie extérieure de la poésie en maître consommé ; mais le rôle réservé dans ses œuvres au cœur et à l’intelligence nous a souvent semblé trop modeste, et nous n’avons pas hésité à le dire. Toutefois, malgré ces réserves dictées par l’impartialité, nous appelons de tous nos vœux la nomination académique de M. Hugo. Puisque