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REVUE. — CHRONIQUE.

d’une activité pratique, éclairée, qui laisse entrevoir de plus vastes et importans projets. Le ministère tomberait désormais, que M. Cousin aurait laissé des traces honorables de son passage aux affaires. Nous désirons vivement de pouvoir bientôt en dire autant de tous les ministres.


— La nouvelle tragédie de M. Casimir Delavigne a été justement applaudie à la Renaissance ; l’auteur traite le public avec respect, compose lentement chacune de ses œuvres, et ne la soumet jamais au jugement du parterre sans avoir fait tout ce qu’il peut faire. L’auditoire, sensible à cette marque de déférence, écoute avec une attention religieuse chacun des ouvrages de M. Delavigne ; comme il sait que l’auteur ne se hâte pas de produire, il ne se hâte pas de juger ; nous ne pouvons qu’approuver cet échange d’égards. Il y a d’ailleurs dans la Fille du Cid de quoi justifier le nouveau succès obtenu par M. Casimir Delavigne. L’auditoire a salué avec reconnaissance de nombreux souvenirs d’Horace et du Cid ; M. Delavigne, en continuant l’œuvre de Pierre Corneille, a senti le besoin de justifier sa témérité ; il s’est donc nourri assiduement de la lecture du modèle qu’il voulait imiter, et nous devons dire que cette étude lui a souvent porté bonheur. Il y a dans la tragédie de M. Delavigne plus d’un vers dont la franchise et la virilité ont été accueillies, avec un joyeux étonnement. L’action de la Fille du Cid a le malheur de convenir plutôt à la ballade qu’à la tragédie ; la trame en est si frêle et si délicate, qu’elle ne peut guère être analysée. Toute l’attention de M. Delavigne semble s’être portée sur le développement des caractères ; disciple fidèle du créateur de notre scène tragique, il a cru devoir lui emprunter le type de ses principaux personnages. Ainsi Elvire procède de Chimène, quoiqu’elle ait moins de tendresse ; Fanès procède du vieil Horace ; quant au Cid devenu sexagénaire, il procède à la fois de Rodrigue et de don Ruy de Silva. Cet emprunt n’est pas le seul que M. Delavigne ait fait à M. Hugo ; les souvenirs d’Hernani ne sont pas moins nombreux dans la nouvelle tragédie que ceux du Cid et d’Horace. Le personnage de Rodrigue rappelle le Connachar de la Jolie Fille de Perth. Ce n’est donc pas par l’originalité que brille l’œuvre nouvelle de M. Delavigne ; car aux trois modèles que nous venons de nommer, nous devons ajouter l’abbé Delille, dont le style sert à peu près constamment de soudure aux imitations du Cid et d’Hernani. Mais il y a dans cette mosaïque une adresse, une habileté qu’on ne pourrait nier sans injustice. Nous ne devons pas omettre de dire que la plus belle scène de la Fille du Cid est empruntée au Romancero. Malgré le nombre des sources auxquelles M. Delavigne a puisé les élémens de son œuvre nouvelle, le parterre a battu des mains, comme si cette œuvre appartenait tout entière à l’auteur dont le nom venait d’être proclamé. Quant à nous, en mettant de côté la ques-