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Les gabilotti sont des personnes qui ont un capital de 12 à 40,000 fr. Ils louent à bail les terres des églises et des monastères, ainsi que celles des grands propriétaires. D’ordinaire, les terres ecclésiastiques sont louées pour trois ans. Les baux des grands propriétaires embrassent une période de six et quelquefois neuf ans. Ces gabilotti sous-louent aux autres inquilini qui les paient souvent en nature ; quant à eux, ils paient la rente de la terre aux propriétaires, par tiers, tous les quatre mois, à compter du 1er janvier. En beaucoup de localités, on fixe une partie des fermages du sous-locataire en argent. Tel est le cas dans tout le duché de Bronte, donné en 1801, par la munificence royale de Ferdinand IV, à l’amiral Nelson, et dont lady Bredport, sa nièce, est aujourd’hui propriétaire ; mais à Bronte et ailleurs, quand les inquilini ne peuvent pas payer, les gabilotti se font livrer tous les fermages en nature, et les prix sont fixés par un tribunal ad hoc, composé des autorités du district. Dans le sud de l’île, les sous-fermiers ne contractent que pour une récolte, et paient en nature.

Le contrat des censuarii se nomme censo perpetuo. Ce contrat est légué du père aux enfans, et des parens consanguins à leurs enfans. On paie une amende d’une année si on le vend à un étranger ; en pareil cas, le propriétaire a la préférence, et peut racheter au même prix. L’usage de ces sortes de contrats était presque universel en Sicile ; mais il diminue chaque jour. En général, la courte durée des baux exerce une fâcheuse influence sur l’état de l’agriculture. En ce qui est de la Sicile, la plupart des grands propriétaires, vivant à Palerme ou à Catane, ne se rendent presque jamais dans leurs terres, et j’en ai connu quelques-uns qui ne les ont jamais vues, bien qu’ils n’eussent qu’une petite distance à parcourir pour les visiter. Pendant ce temps, les razionali ou comptables, qui s’enrichissent à leurs dépens, les entretiennent dans des illusions continuelles, et leur font espérer tantôt la découverte d’une mine, tantôt une hausse subite des denrées. Dans cet espoir, les propriétaires refusent de contracter des baux trop longs, et le terme de six années, qui est généralement adopté, ne permet pas au métayer de se livrer à un système de culture propre à améliorer la terre.

Les métayers ont une condition misérable. Ils cultivent à la part, et ont un tiers ou moins, selon le genre de la culture. Les inquilini, ou, sous-tenanciers, mieux partagés, possèdent des bœufs et des instrumens de labourage ; mais malheureusement la loi permet, en Sicile, de saisir les ustensiles de la ferme et les instrumens aratoires, et souvent cet excès de rigueur change un pauvre cultivateur hon-