Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/860

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
856
REVUE DES DEUX MONDES.

tienne n’a été plus en faveur qu’à cette époque. Jamais chambres et gouvernemens ne se sont engagés avec plus d’ardeur, et, quoi qu’on en dise, avec moins d’ignorance des chances de l’avenir, dans une voie au terme de laquelle on devait entrevoir d’abord la possibilité de l’isolement, puis celle de la guerre.

La route était donc tracée devant le ministère du 1er  mars. Il devait tenter un dernier effort en faveur du système qui lui était légué, et dont il acceptait de grand cœur la succession. Il devait essayer, en calmant les passions, en dégageant les amours-propres, de laisser le temps au nouvel ambassadeur de prendre du crédit et d’obtenir des concessions. Les plus grandes autorités du monde diplomatique lui en faisaient espérer quelques-unes. D’ailleurs, s’il ne pouvait se promettre une solution favorable de la question, il pouvait au moins l’ajourner. C’était beaucoup. L’Europe avait vécu cinq ou six ans tranquille, grace à l’arrangement de Kutahyeh, qui n’était qu’un ajournement. Sans convention, sans négociation, la paix ne pouvait-elle encore se maintenir de fait, se prolonger, et détruire, par sa durée même, les prétextes qu’on cherchait pour la troubler ?

De ces prétextes, le seul sérieux était la possibilité toujours subsistante d’une collision entre le sultan et le pacha. Si donc l’un et l’autre pouvaient être amenés à s’entendre, s’il existait un moyen de leur persuader que leur intérêt commun était de se contenter d’un accommodement supportable, si, en un mot, un arrangement direct pouvait être ménagé entre eux, un grand service était rendu au monde. Vers l’automne de 1839, le cabinet du 12 mai l’avait beaucoup désiré et un peu espéré. Sans négocier cet arrangement, il avait conseillé à tout le monde la modération. Il se croyait avec raison libre de faire plus encore. La note du 27 juillet ne l’interdisait pas. Que contenait cette note tant citée ? Que sur la question d’Orient l’accord était assuré entre les cinq grandes puissances, allégation matériellement fausse, et que la sublime Porte était engagée à suspendre toute détermination définitive sans leur concours. Assurément cet acte, destiné uniquement à empêcher dans une circonstance donnée la Turquie de faire cession de biens à l’Égypte, n’enlevait à personne la faculté de préparer par de bons conseils les voies pour une conciliation. La Russie, très peu de temps après le 27 juillet, avait déclaré que la note de ce jour n’enchaînait pas sa liberté d’action ; et lorsque, huit ou dix mois plus tard, l’accord tant promis n’existait pas même en germe entre les cinq puissances, il aurait été assurément d’une politique sage et utile de travailler à ramener les