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conseil des ministres, et surtout en vertu d’un concert à établir entre le département de la justice et ceux qui peuvent offrir des emplois aux auditeurs, et comme chacun a ses créatures, ses protégés, ses cliens politiques, une part suffisante ne sera faite aux auditeurs que si les deux chambres laissent voir qu’elles le veulent, et forcent, pour ainsi dire, la main au ministère.

L’ordonnance du 18 juin 1839 permettrait de réduire très prochainement à des proportions convenables le nombre des auditeurs. Elle veut qu’à partir du 1er  janvier prochain, tous ceux qui auront plus de six années de service cessent d’appartenir au conseil d’état. Cette disposition atteindrait près de vingt auditeurs au 1er  janvier, et en peu de temps l’élimination successive de tous ceux dont les services acquerraient la même durée éclaircirait considérablement les rangs. Une telle mesure est rigoureuse, j’en conviens. J’aurais compris qu’on évitât de la prendre, mais je ne comprendrais point qu’après l’avoir prise, on évitât de l’exécuter. Il n’est pas de la dignité d’un gouvernement de reculer devant ses propres prescriptions ; c’est se déclarer impuissant ou léger. M. le garde-des-sceaux jugera s’il lui est possible de proposer au roi de rapporter l’ordonnance. Si, au contraire, il l’exécute, il se gardera certainement de remplir par de nouvelles nominations le cadre exagéré de quatre-vingts auditeurs. Ce serait aggraver le mal en ajoutant aux auditeurs qui seraient éconduits au 1er  janvier prochain ceux que le même sort frapperait inévitablement plus tard.

La deuxième partie du projet de loi, celle qui concerne les attributions du conseil d’état, soulève la grave question du jugement des affaires contentieuses et des juridictions administratives. Sur ce point, la commission se trouve séparée du gouvernement par un dissentiment radical et absolu. Le savant travail de mon honorable ami M. Dalloz expose avec autant de force que de netteté les raisons de ce dissentiment ; il a été l’objet de vives attaques dans une feuille quotidienne et dans des écrits publiés sur le droit administratif par d’habiles professeurs. La matière est trop importante pour ne pas être traitée séparément : elle sera l’objet d’un second article.


Vivien.
1er  octobre 1841.