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DES PARTIS EN FRANCE.

à haut prix l’appui qu’elle donne, et ne tient aucun compte de l’appui qui vient d’ailleurs. En principe, tout le monde admet donc que l’influence doive être partagée ; en fait, personne ne le veut, et chaque pas vers l’un paraît à l’autre une marque d’indifférence ou de mépris. Dans une telle situation, d’ailleurs, il ne manque jamais d’ennemis habiles ou d’amis maladroits pour rallumer les haines, pour réveiller les susceptibilités, pour ranimer les jalousies. Ce sont là des difficultés et des obstacles sérieux. À tout prendre, pourtant, ces difficultés et ces obstacles furent, sous le 1er mars, moindres qu’il n’était permis de s’y attendre, et on put presque toujours les surmonter heureusement. Sans les funestes évènemens qui ont précipité le 1er mars du pouvoir, il est évident, ce me semble, qu’il eût achevé son œuvre, et réalisé, autant qu’il était en lui, une des pensées fondamentales de la coalition.

La situation et la prétention du ministère du 29 octobre sont fort différentes. Appuyé principalement sur le parti hostile à la coalition, ce ministère voudrait refaire, non la majorité du 11 octobre, mais celle du 15 avril ; c’est ce désir qui, vers le milieu de la dernière session, se manifesta si clairement dans un rapport de fonds secrets. Et cependant telle est la force des choses, que, dans cette circonstance, le ministère du 29 octobre dut reculer et abandonner la commission, qui ne s’était certes pas avancée sans son aveu. Au fond, le ministère du 29 octobre, quelque mépris qu’il affecte pour l’idée de transaction, ne vit que par elle, et tombera le jour où elle lui manquera. N’est-ce donc pas une transaction que l’alliance de quelques-uns des chefs de la coalition avec quelques-uns des ministres que la coalition a renversés ? N’est-ce pas une transaction plus marquée encore que le bon accord de la droite et d’une portion du centre gauche ? Qu’on dise quel rapport d’antécédens, d’opinions, de sentimens, il peut y avoir entre M. Dufaure et M. Guizot, entre M. Passy et M. Martin du Nord ? Ou je me trompe fort, ou, de l’un à l’autre de ces hommes politiques, la distance est pour le moins aussi grande que de M. Thiers à M. Barrot, que de M. de Rémusat à M. de Tocqueville. D’où vient donc que le rapprochement de M. Thiers et de M. Barrot, de M. de Rémusat et de M. de Tocqueville, vous paraît si monstrueux et si coupable, quand vous trouvez si naturel et si légitime le rapprochement de M. Dufaure et de M. Guizot, de M. Passy et de M. Martin du Nord ?

Que personne ne se fasse illusion : depuis six ans, il n’est pas, le 6 septembre excepté, un seul ministère qui, chacun à sa façon et