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REVUE. — CHRONIQUE.

main à la France de juillet, et de reconnaître la dynastie que le vœu national avait appelée au trône. L’alliance anglo-française devint la solide garantie de la paix. Pouvait-on sérieusement imaginer que le gouvernement anglais, après avoir constamment insisté auprès de la restauration, ne renouvellerait pas ses instances pour obtenir du gouvernement de juillet une répression efficace de la traite des noirs ? Les instances de l’Angleterre étaient on ne peut pas plus naturelles, et on conçoit en même temps que le cabinet de 1831 n’ait pas résisté à ces instances, et refroidi par un refus les relations intimes qui venaient de s’établir entre les deux pays, et qui, encore une fois, donnaient au maintien de la paix générale la meilleure garantie qu’elle pût alors avoir. Le traité de 1833 ne fit que mieux coordonner et régler quelques dispositions de détail. Les deux traités furent mis à exécution ; point de répugnances alors, point d’inquiétudes, point de réclamations, point d’alarmes. De 1831 à 1840, presque toutes les notabilités des deux chambres ont traversé les affaires. Nul n’a pensé que ces traités pussent faire obstacle à son entrée dans le cabinet. Nul n’a témoigné le désir ni formé le projet d’en dégager la France. Encore une fois, dans l’état de nos relations politiques avec l’Angleterre, cela était tout naturel et tout simple.

En 1840 s’ouvre une ère nouvelle. Le ministère britannique porte la main sur l’alliance anglo-française, et en brise brusquement les liens. Le 15 juillet, il signait, à l’insu de la France, le fameux traité sur les affaires d’Orient, et vers la fin du même mois il appelait notre ambassadeur à reprendre la négociation sur le droit de visite.

M. Thiers, alors ministre des affaires étrangères, appelé dans les derniers jours de son ministère à s’expliquer sur le projet de traité, répondit qu’il ne connaissait pas cette affaire, depuis long-temps délaissée, qu’il en ferait un examen approfondi, mais qu’en attendant, il ne se sentait nullement disposé à signer un traité avec un gouvernement qui s’était conduit comme l’avait fait le gouvernement anglais au 15 juillet. Cette réponse négative, qui met l’administration du 1er mars hors de la question, était encore chose toute naturelle et toute nationale dans la situation que nous avait faite le ministère anglais.

Le cabinet du 29 octobre a également résisté aux sollicitations de lord Palmerston ; il lui fit sentir qu’il ne signerait point la nouvelle convention avec l’auteur du traité du 15 juillet.

Mais le cabinet de lord Melbourne s’étant retiré, notre diplomatie a imaginé qu’il avait en quelque sorte emporté avec lui toutes les conséquences morales et politiques du traité du 15 juillet, que lord Aberdeen ne devait pas être tenu pour solidaire de lord Palmerston, et qu’on pouvait sans inconvéniens conclure avec ses successeurs le traité qu’on avait refusé de signer jusqu’alors. On a oublié que les conventions de 1831 et de 1833 n’étaient en réalité qu’un résultat de l’intime alliance qui unissait alors l’Angleterre à la France au profit des révolutions belge et espagnole, et que l’absence de cette