Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 32.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
REVUE DES DEUX MONDES.

je cultivais moins pour moi que pour le plaisir que tu trouvais avec leurs enfans ; mais M. Morsy est un homme grossier, il s’est fort mal conduit envers moi. Je quitterai la maison dans six mois.

— Je vais bien m’amuser pendant les vacances, alors ! moi qui étais si content de revenir.

— Tu feras comme tu faisais avant de les connaître.

Paul écrivit à Ernest pour lui faire part de son chagrin. Ernest lui répondit que M. Morsy avait pensé que, malgré sa brouille avec Mme Seeburg, Paul viendrait de même passer un mois à la campagne. Il déplorait d’autant plus cet incident, qu’il avait institué une balançoire aux deux grands frênes du fond du jardin, et que Lilie avait une petite chèvre apprivoisée qui était tout ce qu’il y avait de plus joli ; il conseillait à Paul de s’efforcer d’obtenir de sa mère la permission de venir ; son père, M. Morsy, le recevrait comme autrefois, etc.

Paul montra la lettre à Mme Seeburg, Mme Seeburg refusa net. Dans la discussion qu’elle avait eue avec M. Morsy, celui-ci lui avait dit : Cela passera, madame, cela passera.

— Non, monsieur, avait-elle dit, cela ne passera pas ; vos procédés sont odieux, et je ne vous les pardonnerai pas.

— Je sais bien que ce sera un peu plus long parce que vous avez tort ; mais c’est égal, cela passera.

— Non, monsieur, avait répliqué Mme Seeburg, plus irritée encore de voir qu’on ne voulait pas prendre sa colère au sérieux ; non, monsieur, cela ne passera pas, et je quitterai votre maison à la fin de la saison.

— Vous ne la quitterez pas, ma chère madame Seeburg, et j’en suis tellement sûr, que je ne chercherai pas le moins du monde à louer votre logement ; cela se passera.

Ainsi, l’assurance bienveillante d’une bonne réception pour Paul ne faisait pas aux oreilles de Mme Seeburg sonner autre chose que l’ironique cela se passera de M. Morsy.

Paul pria, supplia, pleura ; ce fut en vain.

Voici, du reste, ce qui avait brouillé les deux familles : M. Morsy, comme on l’a vu, ne s’était décidé que péniblement à céder à Mme Seeburg la moitié de son jardin. Les deux jardins étaient séparés également par une large allée. Au bout de quelques mois, Mme Seeburg trouva que cette allée était trop large, que c’était une perte de terrain déplorable, et elle en fit labourer la moitié, qu’elle joignit à son jardin en forme d’alluvion ou de relai.

M. Morsy en fut contrarié : il avait l’habitude de se promener dans