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— C’est possible, mais je veux le savoir.

— Eh bien ! monsieur, figurez-vous que dans l’homme qui m’a ainsi bousculé il m’a semblé voir… Mais non, c’est impossible ; il n’y a pas moyen que ce soit lui.

— Jean, tu m’impatientes.

— Mais, monsieur, vous allez dire vous-même que j’aurais mieux fait de me taire, quand je vous aurai dit que celui que j’ai cru reconnaître… c’est M. Paul Seeburg.

— En effet, cela n’est pas possible.

— C’est ce que je disais à monsieur. Pour l’autre…

— Quel autre ?

— Celui qui causait avec celui-là.

— Eh bien ?

— Eh bien ! je ne l’ai trouvé nulle part ; il faut croire qu’il aura passé par-dessus le mur.

— Que penses-tu que ces maraudeurs venaient faire ?

— Oh ! voler les cerises et les groseilles ; ce n’est pas la première fois que cela arrive.

— En a-t-on pris ?

— Non.

— C’est bien ; ne parle de cela à personne, Mme Morsy aurait peur ; contente-toi de veiller cette nuit.

— Et Mlle Cornélie, c’est elle qui aurait peur ! Je prendrai mon fusil.

— Mais je te défends d’y mettre du plomb.

— Pourquoi ?

— Qu’il te suffise de savoir que je te le défends. Le vol de quelques cerises ne mérite pas la mort. S’il arrivait un accident, je dirais aux juges que je t’avais défendu de charger ton fusil, et l’affaire serait mauvaise pour toi. Va à ton ouvrage.

Le récit du jardinier laissa M. Morsy pensif et inquiet ; il craignait plus pour sa fille que pour ses groseilles. D’ailleurs, plusieurs circonstances, en le rassurant sur les fruits, augmentaient son inquiétude sur l’autre point. On ne remarquait aucun désordre aux arbres. La personne qui s’était échappée causait avec une autre, cette personne ressemblait à Paul Seeburg. À ce moment, mille petits incidens qu’il n’avait pas remarqués, ou qu’il avait jugés sans importance, lui revinrent à la mémoire, et lui firent penser qu’il n’était pas tout-à-fait impossible que les jeunes gens s’entendissent. Il faudrait que ce petit Paul fût bien sournois !