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pas publiées, et que nous ne connaissons que parce que ses manuscrits n’ont pas été tous perdus, il faut admettre que ces vérités, il les avait démontrées rigoureusement par des méthodes qui lui étaient propres et que nous ignorons. D’ailleurs, toutes ces propositions, à mesure qu’on s’en est occupé, ont été trouvées rigoureusement exactes : une seule fois il paraît avoir cru à la vérité d’une proposition dont Euler reconnut plus tard l’inexactitude, et ce fait même confirme ce que nous venons de dire ; car Fermat, qui affirme posséder la démonstration de tous les autres théorèmes, répète sans cesse qu’il n’a jamais pu démontrer la propriété dont il s’agit. C’est donc là, comme on le voit, un motif de plus pour croire qu’il possédait la démonstration des autres propositions dont on a prouvé la vérité. Prétendre du reste que Fermat, par la seule intuition, a pu découvrir, sans jamais se tromper, tant de beaux théorèmes, tant de propositions si difficiles, c’est le supposer doué d’une faculté merveilleuse, d’un sixième sens mathématique beaucoup plus extraordinaire que le génie qu’il possédait réellement.

Deux causes principales nous ont privés de ces démonstrations : l’aversion que Fermat manifesta constamment contre toute publication qui porterait son nom, et les obstacles que son fils, qui n’était pas mathématicien, rencontra lorsqu’il voulut rassembler les manuscrits dispersés de son père, et lorsqu’il chercha un savant capable de diriger l’édition.

Fermat n’a jamais rien publié sous son nom, et il ne paraît avoir fait imprimer qu’une seule dissertation anonyme sur la comparaison des lignes courbes avec les lignes droites. À la vérité, il fut commis quelques indiscrétions, malheureusement trop rares, par ses amis. En 1644, Herigone inséra dans le sixième volume de son Cours de Mathématiques un abrégé de la méthode des tangentes, que l’on doit à ce grand géomètre, et Saporta, à la suite de sa traduction (imprimée à Castres en 1664) du traité du mouvement des eaux par Torricelli, publia quelques remarques de Fermat sur un passage de Synesius relatif à l’aréomètre, et qu’aucun érudit n’avait pu comprendre jusqu’alors. Dans l’édition d’Athénée, qui parut à Lyon en 1657, on lit aussi quelques notes de Fermat. Ces divers fragmens étaient loin de révéler tout le génie de l’auteur. Une indiscrétion plus considérable fut commise en Angleterre par Wallis, profond géomètre, qui fit paraître, en 1658, un volume très intéressant, intitulé : Commercium epistolicum, et renfermant plusieurs lettres de Fermat. Ce recueil, qui contient en outre des lettres de Brouncker, de Digby, de Frenicle, de