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binet, avec les hommes éminens qu’il compte dans son sein, reculât devant les questions d’affaires, devant l’étude des problèmes économiques et financiers. Qui peut mieux les comprendre et les traiter que M. Duchâtel avec son esprit si juste et si ferme, avec son expérience des affaires ? Il n’est pas douteux que l’absence momentanée de M. le ministre de l’intérieur n’ait encore été pour le cabinet une source d’embarras. Dans quelques jours, M. Duchâtel viendra reprendre la direction de son département.

La majorité et le gouvernement ont été surtout frappés, pour la réforme postale, de la question d’opportunité en raison de la gravité des conjonctures. Nous reconnaîtrons volontiers, avec M. le ministre des finances, qu’il était difficile, dans les circonstances actuelles, d’accepter une réduction de la taxe des lettres qui aurait privé le trésor d’une somme de 200 millions. L’opposition l’avouait de son côté, puisque M. Dufaure ne demandait lui-même l’exécution de la réforme postale qu’à partir du 1er janvier 1849. L’ajournement l’a cette fois encore emporté. Il est douteux qu’il en soit de même dans la question du sel. Les conservateurs les plus prononcés avouent l’intention de voter la réforme que M. Demesmay poursuit avec persévérance, et sur laquelle il vient de rassembler, dans ces derniers jours, d’intéressans documens. Il y a vingt-deux ans que le général Foy conjurait le gouvernement de la restauration de réduire l’impôt du sel et d’alléger un fardeau qui pèse surtout sur les classes pauvres. En Angleterre, la réduction de la taxe du sel remonte à 1823, et, depuis 1825, époque où cette taxe a été abolie, la consommation du sel dans le royaume-uni est plus que doublée. On voit tout ce qu’a gagné la production. Tout indique au pouvoir qu’il est urgent pour lui de se rendre bien compte de ce qu’il veut accorder, de ce qu’il veut repousser en fait de réformes et de réductions financières. Il y a là un départ à faire net et équitable. C’est en apportant des vues d’ensemble, en s’entourant d’hommes capables et éclairés, en embrassant toutes les parties de notre système économique, qu’on pourra prendre sur certains points une utile initiative, et combattre avec succès les innovations qui paraîtraient téméraires. Enfin la question de la présidence du conseil a toujours toute sa gravité ; le cabinet doit songer à la résoudre définitivement après la session, et choisir ce moment pour créer des positions importantes à d’intelligens auxiliaires qui puissent lui apporter de nouvelles forces administratives. C’est dans ces conditions que le ministère doit se présenter à la seconde session de la législature.

En attendant, le gouvernement a pris quelques mesures dont il faut lui savoir gré. M. le ministre des affaires étrangères, chargé par intérim du ministère de la marine et des colonies, a présenté à la chambre des députés un projet de loi relatif à la juridiction à laquelle, seront soumis les crimes commis envers les esclaves à la Martinique, à la Guadeloupe, dans la Guyane française et à Bourbon. D’après le projet, la cour criminelle qui devra juger ces crimes sera composée de six membres de la cour royale, dont deux conseillers auditeurs au plus pourront faire partie. La loi nouvelle, qui modifie celle du 18 juillet 1845, a pour but d’empêcher le retour de ces acquittemens étranges qui ont eu dans ces derniers temps un si triste retentissement. « Il y a des scandales moraux, est-il dit dans l’exposé des motifs, dont le renouvellement prolongé serait aussi périlleux que douloureux. » Au nom de l’intérêt des colons et de l’honneur de l’administration, le ministère demande aux chambres une prompte délibération