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le gouvernement de l’Inde à un taux aussi élevé, on comprend que l’argent se soit tout d’un coup retiré du commerce, et que les banques des différentes présidences aient dû porter l’intérêt de leurs escomptes à des prix ruineux. Aussi lisons-nous dans la Gazette de Bombay du 1er avril que les banques de Bombay, de Madras et de Calcutta n’escomptent plus qu’à 11, 12, 14 et 15 pour 100. Le commerce et les meilleures maisons européennes trouvent difficilement à emprunter à 8 et 9. Enfin les fonds publics même sont ainsi cotés : le 5 pour 100 à 99 1/4 ; — le 4 pour 100 de 1832 à 91 ; — le 4 pour 100 de 1835 à 87 ; — et lord Hardinge a encore besoin de 2,000,000 sterling ou 50 millions de francs. Jusqu’à ce que cet emprunt soit rempli, l’Angleterre ne pourra guère sortir des complications financières.


REVUE LITTÉRAIRE.




LES THÉÂTRES.




Il est une question que ramènent souvent les essais du théâtre moderne ; on se demande, à propos de certains ouvrages : Sont-ils, ne sont-ils pas littéraires ? À vrai dire, les amis si empressés de la littérature nous ont toujours paru ressembler un peu à ces gentilshommes dégénérés pour qui la noblesse consiste plutôt à étaler un titre qu’à le porter dignement. Ces airs de pruderie littéraire peuvent consoler les désappointemens de la vanité, mais ils ne sauraient ni garantir ni remplacer le succès, et, il faut bien en convenir, l’entrain, le plaisir, l’attrait, la vie, ne se trouvent pas toujours là où s’annoncent les plus ambitieux efforts. De prétendus, chefs-d’œuvre, longuement élaborés, destinés à ouvrir une voie nouvelle ou à ramener aux immuables conditions du beau, avortent ou meurent au milieu d’un immense ennui, tandis qu’un trait spirituel, une scène joyeuse, l’habile emploi d’un ressort vulgaire, le développement naïf d’un sentiment vrai, attirent, un échelon plus bas, le succès et la foule. C’est là un des caractères et, si l’on veut, une des maladies de notre temps : peu de respect pour les hiérarchies dans l’art comme dans la société ; une plus grande diffusion des jouissances intellectuelles, qui perdent en élévation ce qu’elles gagnent en étendue ; le triomphe progressif de l’individualisme, qui, diminuant l’autorité des maîtres ; brisant le faisceau des doctrines, éparpille les talens et leur apprend à ne relever que d’eux-mêmes. Cette situation a comme presque toutes les nouveautés, ses avantages et ses inconvéniens ; en accroissant le nombre des conviés aux fêtes de l’esprit, elle rend plus grossiers les goûts qu’ils y apportent et les mets qu’on leur sert ; elle établit, entre les consommateurs avides et les juges délicats, une séparation chaque jour plus complète.

Cependant, si l’on doit, à certains points de vue, se plaindre de ce nouvel état de choses, faut-il en conclure que des tendances élevées, un but sérieux, une