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l’emprunt dissipe tous nos embarras. Deux hypothèses sont à prévoir, Si l’adjudication a lieu fort au-dessous du cours actuel des rentes, il n’y aurait pas seulement pour l’état une perte de plusieurs millions : toutes les valeurs, rentes anciennes, actions de chemins de fer et autres, éprouveraient une dépréciation notable. L’agiotage s’emparerait du fonds nouveau, en retarderait le classement, et la possibilité d’émettre un nouvel emprunt serait pour long-temps reculée.

Je veux admettre l’hypothèse la plus favorable. L’emprunt est négocié à un bon prix, et cette heureuse opération rétablit la sécurité, favorise les transactions. 350 millions étaient le montant du déficit probable des deux années 1847 et 1848. Malgré l’emprunt de 250 millions, s’il était réalisé à cette époque, nous nous trouverions au 1er janvier 1849 avec une dette flottante chargée de 100 millions de plus qu’au 1er janvier 1847. Mais l’emprunt ne pourra être réalisé qu’en novembre 1849, et le fardeau à supporter par la dette flottante ne sera pas moindre pendant toute la durée des versemens à effectuer que celui qui, au milieu de cette année même, paraissait si exorbitant. Une fois le dernier versement échu, le classement de l’emprunt n’aura pas encore eu lieu ; il sera impossible ou difficile d’emprunter immédiatement, et comme le déficit continuera sa marche ascensionnelle, la dette flottante nous débordera de nouveau. La mesure annoncée dans le Moniteur du 9 de ce mois, qui consisterait à retirer de la dette flottante 100 millions des caisses d’épargne, est parfaitement illusoire. Dans quelque catégorie d’emprunts qu’on les range, ces 100 millions ne seront pas moins dus et exigibles en capital. Le chiffre nominal de l’ensemble de la dette flottante n’a aucune importance ; tout le danger consiste dans une trop grande émission de bons royaux, dans la nécessité de les accroître et de les renouveler à tout prix, et dans les circonstances impossibles à prévoir. Aussi rien ne me paraît plus grave que le déficit annuel, permanent de nos budgets, le déficit passé à l’état normal, accepté comme un fait et presque considéré comme une théorie.

L’habitude de dépenser chaque année au-delà des ressources ne mérite pas de s’appeler une politique, un système ; c’est tout simplement une pratique vicieuse, un entraînement de la faiblesse, le fait d’un temps où les intérêts particuliers étouffent l’intérêt général. Sans doute on peut marcher quelque temps sans apercevoir les cruelles conséquences du manque d’équilibre budgétaire. De brillans résultats viennent même au commencement dissimuler les fautes et engagent à les renouveler. Rien cependant de plus corrupteur en soi, de plus mauvais pour un gouvernement comme pour les simples particuliers que le dédain constant de la règle, le mépris des axiomes du bon sens, la complaisance