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général polonais lui demanda si du moins le mouvement qu’il avait ordonné dans la direction de Szolnok avait été exécuté, et, ayant reçu une réponse affirmative, il salua la députation en signe de congé.

Une heure après, Dembinski reçut une communication écrite du commissaire-général Szémeré. Le commissaire lui annonçait la nomination de Georgey au commandement en chef. Bientôt vint le chef d’état-major du nouveau général en chef, le lieutenant-colonel Bayer, accompagné de deux officiers ; il demanda à Dembinski la remise du livre contenant les minutes des ordres donnés par lui durant son commandement. Le général répondit qu’il avait déjà communique au commissaire Szémeré un écrit explicatif de la position actuelle de l’armée, ainsi que des ordres qu’elle avait reçus. Quant au livre en question, il le considérait comme un recueil de pièces justificatives dont il ne consentirait pas à se dessaisir. Comme, en exprimant ce refus, il avait porté la main vers son sabre, le colonel envoyé par Georgey déclara qu’il était décidé à exécuter, fût-ce par la force, les ordres de son chef. Un détachement d’infanterie vint donc se placer à la porte du général polonais, et on lui annonça qu’il était prisonnier. Dembinski ne quitta plus sa chambre jusqu’à l’arrivée de Kossuth. En considération de l’influence que Georgey exerçait déjà sur une partie de l’armée, Kossuth n’osa pas lui demander compte de sa conduite. Il est vrai que le commandement en chef de l’armée fut destiné au vieux et honnête général Vetter ; mais Georgey reçut la promesse du ministère de la guerre, qu’il ne tarda pas à obtenir. Dembinski annonça dès-lors à M. Kossuth qu’il venait de se donner un rival contre lequel il pourrait être un jour impuissant à lutter.

Un succès brillant vint couronner les plans de Dembinski au moment où il se voyait ainsi éloigné d’un poste que d’ailleurs il n’avait point sollicité. Le brave Damianitch avait attaqué et pris la fameuse position de Szolnok. Ce fait d’armes changeait la situation de l’armée magyare : elle pouvait être réunie toute entière, le 8 mars, à Szolnok, et couper au corps principal des impériaux, qui se trouvait à Maklar et à Porozlo, toute communication avec Pesth. Dembinski oublia sa disgrace, rédigea un nouveau plan dans cet esprit, l’envoya à Debreczin, et, en attendant une réponse, écrivit aux généraux Damianitch et Vecsey : « Braves camarades, quoique je n’aie plus le droit de vous commander, je me permets de vous donner un conseil. Tenez ferme à Szolnok ; mais prenez bien garde du côté d’Arakschallas, et n’avancez pas sur Pesth, de crainte d’être coupés sur votre droite. J’écris à Debreczin pour que l’on vous envoie un renfort d’au moins quinze mille hommes. » Aucune des mesures proposées par Dembinski ne fut adoptée. Le gouvernement magyar accorda la préférence au plan