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à tout le monde chaque système de construction a son parti dans le public, et ces partis ont souvent le même acharnement, se livrent aux mêmes exagérations que les partis politiques. La politique même, la grande politique, entre en ligne de compte dans la valeur des bâtimens car on a vu souvent tel bâtiment jugé incapable d’aucun service sous une administration tory, uniquement parce qu’il avait été construit sous une administration whig, et réciproquement. Aussi ce qu’on publie sur les vitesses d’expérience s’accorde fort rarement avec ce que donnent les vitesses de route. Il y a une différence analogue entre les vitesses prospectus et les vitesses réelles de nos vapeurs de commerce, qu’on prétend être supérieurs aux vapeurs de guerre.

Si le corps des ingénieurs de la marine française est impuissant, c’est certainement par sa faiblesse numérique, parce qu’il ne peut pas surveiller assez strictement l’emploi du matériel dont il dispose, ni le détail des constructions qu’il dirige. Ce soin doit être abandonné à des contremaîtres, fort capables assurément, mais dont l’autorité sur les ouvriers n’est pas suffisamment établie. L’absence de surveillance de chefs d’un rang élevé nuit à la rapidité du travail aussi bien qu’à la bonne exécution. On ne peut nier qu’il y a quelque chose à modifier dans un système où les officiers d’un bâtiment n’ont aucun droit de surveillance ni de direction sur les ouvriers qui travaillent à leur bord. Les discussions à l’assemblée ont fait ressortir cette anomalie. Les conséquences qui en découlent conduiraient à la question de savoir si la division des attributions entre le corps des officiers du génie et celui des officiers de vaisseau ne pourrait pas être utilement modifiée en laissant aux ingénieurs la direction du bâtiment tant qu’il est sur les chantiers, où on avancerait la construction autant que possible, et en remettant ce bâtiment aux mains des officiers de vaisseau, dès qu’il est lancé. Ceux-ci auraient alors une autorité directe sur les ouvriers employés à bord. C’est une question des plus délicates dont la commission d’enquête pourra être saisie.

La création d’un corps de surveillans ayant rang et autorité d’officiers, sorte de conducteurs des travaux exclusivement occupés à commander et diriger les ouvriers et les contre-maîtres, serait une institution des plus désirables, qui produirait les meilleurs résultats. On reculera peut-être devant la formation d’un nouveau corps qui, en apparence, grèverait le budget de nouvelles dépenses ; mais il est certain, et tout le monde en est convaincu dans la marine, il est certain que cette nouvelle dépense serait couverte et bien au-delà par les économies qui résulteraient du travail plus assidu des ouvriers et d’un emploi mieux surveillé du matériel. On pourrait appeler ce corps : corps d’officiers des travaux de la marine, le recruter parmi les maîtres