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les entraves plutôt qu’il ne les sentait, car quelques-unes des interventions les plus personnelles du président, telles que les deux lettres, l’une au général Oudinot et l’autre à M. Edgar Ney : l’une, qui voulait la continuation du siège de Rome ; l’autre, qui voulait que la prise de Rome ne fût pas une victoire contre le libéralisme, mais contre la démagogie seulement, ces deux lettres datent du ministère de M. Barrot et de M. Dufaure. Si le président a trop cru peut-être, avant le 31 octobre, qu’il n’avait pas dans le gouvernement l’attitude qu’il devait avoir, nous dirons franchement que, depuis le 31 octobre, on a trop cru aussi qu’il voulait tout faire et rejeter dans l’ombre le pouvoir législatif lui-même et les hommes qui jouent un grand rôle dans l’assemblée, et qui, par leurs talens et les grands services qu’ils ont rendus au pays, ont droit, en effet, de jouer un grand rôle. On n’est, de nos jours, un homme de gouvernement, un homme d’état, qu’à la condition de savoir ménager les grandes influences qui existent dans le pays. Ne sommes-nous pas trop heureux qu’il existe encore de ces grandes influences ? Elles servent de noyaux et de centres aux divers groupes qui composent la société. Il n’y a que la démagogie et le despotisme qui souhaitent un pays plat, où il n’y ait pas un seul caractère et un seul esprit qui se redresse et qui aime à se tenir debout. Mais aussi quels pays et quelles sociétés font la démagogie et le despotisme ! Tout homme d’état qui trouve devant soi de grandes influences doit chercher à s’en entour, et s’il ne le peut pas, il doit faire voir dans toutes les occasions le compte qu’il tient des hommes qui ont un grand nom et une grande autorité morale. Gouverner, ce n’est pas abaisser ni détruire, c’est édifier et étager. Ne pas changer ses égaux en rivaux et en adversaires, voilà le grand art d’un chef de parti. Un président de la république n’est pas un chef de parti, et, dans l’état, il n’a pas d’égaux ; mais il a en face de lui, des influences qu’il doit considérer. Il peut le faire, sans se diminuer, d’abord à cause de la primauté qu’il tient de l’élection. Si, de plus, ce président représente une grande tradition héréditaire, il est encore plus à son aise pour faire une belle part aux grandes influences personnelles. Le mérite des grandes traditions héréditaires, c’est qu’elles peuvent en même temps supporter sans se nuire, le voisinage des grandes influences personnelles.

Nous estimons qu’il.est d’une bonne politique de ne pas croire aisément aux répugnances, aux incompatibilités, aux dissentimens, et que c’est une manière d’être unis que de penser qu’on l’est.

Ce goût et ce besoin de l’union éclataient dans le toast du président de l’assemblée nationale et dans le discours du président de la république en réponse au toast du préfet de la Seine. Il veut « l’union féconde des grands pouvoirs élus par le peuple ; il veut, par cette union, défendre la cause de la civilisation contre les théories insensées et les passions barbares qui l’assaillent. Il proteste contre l’idée de copier mesquinement le passé. Cette protestation est sage, et de plus elle est pleine d’à-propos.

Elle est sage : nous ne savons pas. en effet les modifications qui pourront être faites à la constitution, quand viendra le temps légal de la révision ; mais ce que nous savons bien, c’est que, pas plus en fait de gouvernement qu’en fait d’hommes, le temps ne rend jamais sa proie. Ce qui est passé est passé. Nous ne reverrons ni l’empire ni la monarchie constitutionnelle ; nous pourrons peut-